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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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l’Église ainsi que la grande influence que j’ai acquise au cours des années par ce que l’on croyait à tort être du mysticisme. Puisqu’il s’agissait d’une perception erronée, j’étais aussi bien de me servir de son produit à bon escient. Car en procédant ainsi je n’ai certes pas accédé à la sainteté, mais j’ai fait en sorte d’empêcher quelqu’un de se damner, ce qui est beaucoup mieux, non ?
    — Et on vous a laissé faire ?
    — Mais bien sûr. Rien de tout cela n’a enlevé de valeur à ma vocation. Je voulais vraiment expier ma faute. Je n’ai rien fait pour m’attirer la piété des gens ; au contraire. J’ai d’abord cherché à fuir cette notoriété qui a graduellement fait de moi un membre influent de la communauté. Il m’a été aisé, consécutivement à cela, d’exercer une certaine influence. Alors, des pions ? Dis plutôt que nous étions deux excellents cavaliers. C’était d’autant mieux trouvé que le domaine des d’Augignac se trouvait à proximité de Caen.
    — Tout se tient.
    — C’est là l’œuvre de Dieu et non la mienne. Lui seul sait opérer de grands miracles avec ce genre de petites choses qu’on dénomme coïncidences. Alors, je te laisse imaginer ce qu’il peut faire avec de grandes choses.
    Le moine leva un regard ému sur la fenêtre dont les volets avaient été fermés afin de conserver la chaleur de la pièce.
    — Il y a vingt ans de cela, elle t’a vu t’étendre dans la rue, devant la boulangerie. C’est là que tout a commencé.
    — Quoi ?
    — Je n’ai pas pu empêcher cela. Nicolas Flamel ne s’occupe pas que de la transmutation des métaux. C’est lui qui m’a aidé à tout mettre en place, bien avant que je ne fusse en mesure d’y songer moi-même, mon implication personnelle m’ayant privé au départ de toute objectivité, de toute cohérence. Il est pour moi un grand ami, le genre d’ami que nous rêvons tous d’avoir, mais que nous sommes si peu à dénicher. Tout ce travail de l’âme, il l’a fait pour moi. Tu comprends maintenant pourquoi il a désiré avoir ton portrait chez lui pendant un certain temps. Encore tout dernièrement, l’abbé a eu recours à lui pour intercéder auprès de moi lors de mon dernier séjour au monastère. À la mort de Firmin, il s’était laissé conduire derrière moi au cimetière des Saints-Innocents, puis à la rue Gît-le-Cœur, par la petite main péremptoire de Jehanne, cette même petite main qui a ensuite ardemment désiré aller vers toi afin de te consoler.
    — Est-ce qu’elle a vu…
    — Non, non, mon fils, rassure-toi. Elle n’a pas vu le cœur de Firmin.
    Louis exhala un soupir et ses yeux scintillèrent. Lionel continua :
    — Ne me demande pas comment elle a su, mais c’est comme ça. D’instinct, sans que je lui en aie rien dit, elle avait compris comme seuls les enfants peuvent comprendre. Elle s’était mise à ta place et avait pleuré en même temps que toi.
    Louis échappa son bol presque vide.
    — Laisse, je m’en occupe, dit Lionel, qui se hâta d’éponger le reste de vin avec l’ourlet de sa coule.
    Il lui en servit d’autre en expliquant :
    — Elle t’a aimé dès le premier instant où elle a posé les yeux sur toi. C’est la Providence qui a fait que j’aie été là pour m’en apercevoir et pour mettre cela à profit.
    — Ça explique tout.
    — Je le pense. C’est pour cette raison que je n’ai rien fait pour empêcher ce mariage. J’ai même tout fait de ce qui était en mon pouvoir pour sauver cette alliance, en dépit d’une quantité de difficultés à surmonter. Ensuite, il y a eu Samuel. Comme nous le disions plus tôt, lui a bien failli tout faire rater. Pauvre garçon. Il ne pouvait pas savoir.
    Louis serra imperceptiblement les mâchoires et dit :
    — J’ai au moins tenu cette promesse-là. Celle que j’ai faite à l’Escot*.
    — Oui. Dieu te bénisse de l’avoir faite ! Tu as été plus courageux que moi. C’est Garin de Beaumont qui t’a enseigné ce que doit être un vrai père.
    — Comment avez-vous su ?…
    — C’est toi-même qui l’as dit. Du moins, j’ai été en mesure de lire entre les lignes quand tu m’as raconté qu’il t’avait appris à escrémir*. Te souviens-tu des leçons de tir à l’arc ?
    Louis grogna et ses yeux brillèrent. Cela fit rire Lionel, qui rajouta :
    — Elles me faisaient penser à toi. Savais-tu que l’une de mes flèches est même

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