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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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qu’il a fait. Apporte-moi encore de quoi boire un coup.
    Il se leva et rejoignit ses hommes à la porte, le temps de prendre une rasade en attendant que le bourreau reprît conscience.
    Une demi-heure plus tard, lorsqu’il se retourna vers Louis, dont les prunelles trop étincelantes étaient de nouveau braquées sur lui, il rentra et lui sourit.
    — Pourquoi tu me regardes comme ça, avec cet air débile ?
    — De l’eau.
    — Bois ton sang, Baillehache, la soif te passera (86) .
    — Est-ce que je te connais ?
    — Te moquerais-tu de moi, pauvre type ?
    — Mais non.
    — Sapristi ! On ne fait pas mieux comme corbeau à courte vue* ! Tiens, voici toujours bien de quoi te rafraîchir la mémoire.
    Il lui piétina encore une fois les organes génitaux avant de ressortir, comme si de rien n’était, son gobelet à la main.
    — Avec ça, le vilain ne sera plus en état de dire quoi que ce soit, remarqua Iain.
    — C’est inutile, désormais.
    — À quoi bon te donner toute cette peine ? Tue-le et fichons le camp d’ici.
    — Tu n’as pas encore compris, toi, hein ? C’est exactement ce que j’ai l’intention de faire. L’occire. Mais lentement, très lentement, comme il le mérite.
    Les hommes s’installèrent par deux ou trois pour boire, bavarder et jouer aux dés. Sam passait de l’un à l’autre pour entretenir leur moral en attendant l’ordre du départ. Une bonne partie de la journée se déroula ainsi, en jeux de hasard ponctués de pauses qui allèrent graduellement en se raréfiant, car Louis mettait de plus en plus de temps à reprendre conscience entre deux épisodes de crise, chacun provoqué par les assauts répétés de Sam.
    — Sans rire, qu’est-il, au juste, cet homme-là ? dit le jeunot désœuvré qui n’avait pas encore osé récupérer la grande épée dans la tour. Un manant ou un loudier* ? En tout cas, il n’a rien d’un nobliau.
    — Ni l’un ni l’autre. Ce n’est qu’un larron, répondit Sam. Il s’en alla jeter un coup d’œil à la tour et en revint, un sourire aux lèvres.
    — Il est la Mort faite mortelle. Ça fait plaisir à voir, dit-il à ses compagnons, sans remarquer qu’ils détournaient de lui leur regard vaguement écœuré.
    — Tu dois y tenir fort, l’Escot*, à cette femme que tu veux lui prendre.
    — Oui, beaucoup.
    — Pourtant, on connaît le proverbe : « Les hommes aiment un peu mais souvent, les femmes aiment rarement mais beaucoup. » Visiblement, il ne s’applique pas à ton cas.
    — Au sien non plus. À Baillehache, je veux dire. Lui, il n’aime pas du tout. Je n’éprouve donc aucun remords à la lui ravir.
    Tout le monde était plus ou moins pris de stupeur éthylique. Sam lui-même était assez ivre. Il passa une bonne minute à chercher le dé tombé entre ses pieds et ajouta :
    — Vous savez, ce type-là, il ne vivait pas vraiment, de toute façon.
    — À propos, on n’entend plus rien là-dedans depuis un bon moment, dit le jeunot en pointant derrière son dos, par-dessus son épaule, en direction de la tour près de laquelle personne sauf Sam n’allait plus traîner.
    — Attendez que j’aille y jeter un coup d’œil, dit Sam.
    Il se leva en titubant. Louis n’avait pas repris conscience. Les tremblements musculaires dus à l’épuisement avaient à peu près cessé de l’agiter. Sa respiration s’était modifiée un peu plus tôt pour devenir saccadée, presque inaudible. Ses cheveux sales lui couvraient le visage et le rendaient anonyme. Il n’était plus qu’un homme ordinaire.
    Sam lui souleva le menton à l’aide d’une cravache. Il ne voulait plus y toucher de ses mains. « Qu’ai-je fait ? » se demanda-t-il en frissonnant. Cela attisa sa haine et il dit :
    — Combien de temps encore vas-tu durer ? Que faut-il donc pour que ce qui te tient lieu de cœur finisse enfin par lâcher ?
    À plusieurs reprises, il frappa l’homme inconscient de sa cravache. Louis n’eut aucune réaction.
    — Tue-le donc, qu’on en finisse, dit la voix d’Iain depuis l’entrée où il se tenait.
    Il était venu les rejoindre en chancelant et dut s’appuyer au mur. Il se pinça les lèvres au souvenir des bonnes veillées d’hiver que Louis leur avait offertes quelques années plus tôt. Découragé, vaguement humilié, Sam soupira.
    — J’en ai marre. Qu’il étouffe, qu’il crève au plus vite.
    Il se baissa et, avec dégoût, s’obligea à poser le bout des doigts sur

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