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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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il n’allait jamais revenir. Sa voix aimée et son rire de farfadet n’allaient plus jamais être entendus. Sam allait quitter ce monde. Il allait la quitter, elle. Mais, pour l’instant, il était encore là. Tout cela pouvait encore être évité. Même s’il fallait un miracle.
    Jehanne s’inquiétait d’avance de la promesse qu’elle avait faite à Sam. Elle n’avait aucun désir d’être témoin de sa mort, mais en même temps elle craignait que, si elle ne restait pas afin de la voir survenir, elle n’y croirait jamais. Elle avait à la fois peur et envie de passer le reste de ses jours à se persuader que, peut-être, une femme s’était avancée pour le demander en mariage. Que, peut-être, le supplice avait été empêché par quelque intervention divine. Mais elle savait aussi qu’il valait mieux renoncer à ce bonheur illusoire et aller de l’avant dans l’espoir d’accéder à un bonheur plus concret. Un bonheur sans Sam. Cela pouvait-il seulement exister ? Elle se demanda s’il ne valait pas mieux passer outre sa promesse et accepter de voir de ses yeux son corps accroché au gibet.
    Sans prévenir, cette terrifiante perspective l’accabla, comme elle le faisait par moments depuis que ce jour interminable s’était scindé en deux. Mais ce brusque émoi s’égarait sans cesse dans de longues périodes d’engourdissement au cours desquelles, même si on ne parlait de rien d’autre, il était difficile de se persuader que Sam n’était pas encore mort, qu’il était sur le point d’être exécuté, qu’il était encore là. Jehanne se rendit compte qu’elle avait dépassé le stade où l’on met tout en œuvre pour tenter d’éviter cette issue. Elle en éprouva de la honte.
    — Tout va bien ? demanda soudain la voix de Louis, la faisant émerger de sa torpeur.
    — Oui, enfin je… j’imagine.
    — Je ne vois plus l’homme-bulle-de-savon, dit Adam qui réclamait le gafirot* des mains de sa mère.
    Louis et Jehanne le regardèrent sans comprendre, mais puisque l’attention d’Adam s’était déjà détournée, Jehanne reprit le fil de ses idées. Elle ne pouvait pas savoir que, dans l’esprit d’Adam, l’homme blafard qu’il avait aperçu à travers le soupirail ressemblait à ses expériences passées avec les bulles de savon.
    Jehanne cita la dernière volonté de Sam.
    — Quoi ? dit Louis en serrant les poings.
    Sam, même captif de sa geôle, semblait le défier encore. Jehanne, quant à elle, ne savait plus où poser les yeux. Louis parut s’en rendre compte et s’efforça au mieux de maîtriser sa contrariété.
    — Quel est votre désir ?
    Prise de court, Jehanne sursauta.
    — Je… je ne sais plus. Mais je suppose que c’est son désir à lui qui importe le plus en ce moment.
    Ce fut au tour de Louis de regarder ailleurs. Il mit un temps de réflexion et finit par concéder, de mauvaise grâce, d’une voix rude :
    — Bon. Ça va, puisque c’est ça qu’il veut. Quoi d’autre ?
    — Il est prêt à vous recevoir.
    — Bien. Alors j’y vais, dit-il en libérant Jehanne.
    Il ne laissa pas non plus savoir à sa femme si elle allait être en mesure ou non d’accéder à la demande du condamné. Après un bref arrêt à la cuisine, il descendit aux cachots avec le geôlier en laissant derrière lui la voix inquiète d’Adam qui demandait de l’attendre.
    — Tiens, je t’ai trouvé ceci.
    Ce fut la première chose que Louis dit à Sam alors qu’il lui faisait remettre par le geôlier qui, ensuite, les laissa seuls, un tranchoir* accompagné d’un reste de soupe.
    — Non, ça ira. Je n’ai pas faim.
    — Allez, mange. Tu auras besoin de toutes tes forces pour passer la nuit.
    — Vous voulez dire que…
    Le voussoiement était revenu de lui-même, et tous deux s’en rendirent compte. Louis dit, avec dans la voix un ferment d’impatience :
    — Mais oui. Quelle importance cela peut-il bien avoir, maintenant, hein ?
    — C’est vrai. Merci.
    Et, pour faire plaisir à son bourreau, Sam mangea. Louis le regarda faire en silence. Après plusieurs minutes, il dit :
    — Au fait, je voulais te demander une chose.
    — Dites toujours.
    — J’ai vu que l’on avait mis mon cheval en terre. Est-ce toi ?
    Sam leva la tête et posa sur le bourreau un regard affligé.
    — Oui, c’est moi. J’aurai au moins fait ça de bien, malgré le risque que je courais. Sa mort s’ajoute à mes regrets déjà nombreux. J’ai toujours

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