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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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celle d’une balade. L’homme se demanda ce qui pouvait bien avoir motivé le bourreau à quitter la prison à une heure aussi tardive et il décida de le suivre discrètement, sans se faire voir.
    Louis se retira assez loin de la place, dans la pénombre d’une venelle où il entra sans tarder en grande conversation avec l’un des archers qu’on avait graciés et qui semblait l’avoir attendu là. Cette discussion aux allures de complot attisa la curiosité du promeneur. Avant qu’on ne s’aperçût de sa présence, il se dissimula entre deux maisons et prêta l’oreille.
    — Tu comprends, c’est une promesse que j’ai faite à ma femme. Alors, c’est entendu ? demanda Louis.
    L’archer opina gravement en se pinçant les lèvres. Il ajusta derrière son dos une arme de dimensions moyennes, soit à peu près de sa taille. Une bourse changea discrètement de mains. L’archer la soupesa distraitement avant de l’empocher. Il déglutit avec peine et dit :
    — N’empêche que je serai un peu trop loin. C’est plutôt risqué comme besogne.
    Louis possédait suffisamment d’expérience en matière d’archerie pour connaître la raison, très justifiée, de ces réticences : au sortir de l’arc, la flèche ne volait jamais tout à fait droit. Ce phénomène s’appelait le paradoxe de l’archer.
    — Et vous êtes bien sûr que j’aurai le temps de filer après ? demanda l’archer. Parce que rien n’est plus dangereux que le bas peuple privé de son spectacle. On va vouloir ma peau.
    — Sois sans inquiétude. Tu seras assez près. De plus, j’ai déjà pris un arrangement pour faire diversion afin de te permettre de vider les lieux sans être vu. Il y a une chevestre* dissimulée sur le toit de l’église, du côté du transept qui donne sur la porte Saint-Martin. C’est tout près. Nous avons déjà parlé de tout ça.
    Le promeneur écoutait, bouche bée. L’archer dit :
    — Oui, je sais. Mais…
    — Quoi, tu te dégonfles ?
    — Non, non, je ne me dégonfle pas. Seulement, ce n’est pas un truc facile. Vous qui étiez à Maupertuis, vous savez combien on n’a que mépris pour des gars comme moi. On dit même que le premier archer n’était qu’un lâche qui n’osait pas s’approcher de son ennemi (92) .
    Le promeneur aussi savait cela. Pour ceux qui disaient être de vrais guerriers, la seule forme de combat valable devait être personnelle et au corps à corps. C’était la raison pour laquelle les archers, avec leurs projectiles qui permettaient l’engagement à distance, étaient si mal perçus des chevaliers.
    Louis reprit :
    — Je n’ai jamais dit que c’était facile. Mais, bon ! ma décision est prise et nous n’allons pas revenir là-dessus.
    — J’ai quand même la trouille. Pas à cause de la populace, mais du reste.
    — N’y pense plus. Tu vises, tu tires et ça y est. C’est ton métier, non ? Si tu ne t’en sens pas la force, redonne-moi l’argent et je trouverai quelqu’un d’autre.
    « Ce sera moi, se dit le promeneur en portant la main à sa ceinture. Et je ne veux pas de gages. »
    L’archer gardait les yeux baissés sur la bourse en cuir qu’il pétrissait nerveusement.
    — Écoute, je te l’ai déjà dit : il faut que ça se fasse, dit Louis.
    Terrible vérité que celle-là. « Puisque de toute façon Samuel doit mourir, il est bon que cela puisse se faire sans l’intermédiaire de l’affreux supplice », songea le promeneur. L’archer sembla suivre un raisonnement similaire et en tirer courage. Il releva la tête.
    — Vous avez raison. Je le ferai, maître.
    — Tu es bien sûr de ton engagement, cette fois ?
    — Oui.
    Louis pointa l’index en direction de sa propre poitrine.
    — J’ai ta confiance. Ne me trahis pas. Parce que, si tu manques ton coup, je saurai te retrouver et c’est moi qui voudrai ta peau. Je puis te garantir que je mettrai beaucoup plus de temps à l’avoir que la foule.
    L’archer ne put réprimer un frisson.
    — Je ne flancherai pas, c’est juré. Nous devrions peut-être convenir d’un signal…
    — N’attends rien avant que j’aie découpé sa tunique. Contente-toi d’être prêt. Je me tiendrai à côté de lui et, lorsque je me retournerai pour vous faire face, à la foule et à toi, tchac ! Compris ?
    L’homme fit un signe d’assentiment.
    — Parfait. Va boire un coup à ma santé si tu veux, mais arrange-toi pour avoir la vue claire demain.
    Louis se détourna

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