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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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juvénile lorsqu’il évoquait le velours de montagnes qu’il n’avait jamais vues et qui empruntaient la même teinte émeraude qu’eux. Lui qui n’avait plus quitté le vieux domaine depuis des années ne parlait de l’Écosse que pour en faire le terreau fertile de ses fables. L’apparence de Mam*, quant à elle, semblait plus raisonnable : sous le rebord en dentelle d’une coiffe légère, ses boucles s’étaient graduellement festonnées de blanc argenté. Mais son doux visage arrivait à faire oublier qu’il avait pris quelques rides, somme toute assez discrètes.
    En le voyant monter vers eux cerné d’enfants, Jehanne porta les mains à ses joues, tandis que la barbe de Sam fleurissait sous l’effet d’un sourire. Tous deux le rejoignirent à grandes enjambées. La coiffe de la femme, en fuguant, se balança dans son dos par ses cordons et exposa une chevelure toute d’argent. Adam se retrouva captif de la douce étreinte de sa mère qui n’avait changé qu’en surface. Par-dessus l’épaule de Mam*, il offrit à Sam un sourire ému avant que Jehanne ne se décide à le libérer et à le diriger vers sa sœur cadette en reniflant. Ces derniers temps, de la pluie venait à ses yeux plus souvent.
    Les mille petits riens d’un accueil longtemps désiré leur passaient par la tête en même temps et affleuraient à leurs lèvres, excités, désordonnés, comme les bulles festives animant le vin de Champagne. Ainsi apprit-il que son autre sœur n’habitait plus chez eux, car elle s’était mariée l’année précédente.
    — Ce doit être l’effet du temps qui passe. On change, tout change, avait dit Mam*.
    Elle s’efforçait ostensiblement d’y croire, alors qu’il la surprenait en train de s’éponger les yeux avec son mouchoir brodé. Elle l’étreignit à nouveau avec une force qui dénonçait sa crainte de le voir repartir.
    — Et guère en mieux, renchérit Da*, en se hâtant de sortir la politique de son sac à malices pour se distraire de son émoi. On se retrouve avec deux papes et des couronnes sans tête. Faut-il donc s’étonner de voir des rois qui s’enflamment (102)  ?
    Mais ils savaient tous trois que ces événements lointains avaient peu de réelle signification pour eux dans la paix millénaire de leurs landes. Ils ne servaient qu’à dissimuler quelque chose de plus profond, de beaucoup plus personnel. Da* emprisonna à son tour Adam dans une étreinte virile, kilt contre kilt. Les deux vêtements s’apparentèrent sans hésiter.
    — J’ai quelque chose à vous montrer, dit le jeune homme.
    — Vraiment ? dit Sam. Nous aussi. Viens un peu par là.
    Le trio s’arrêta au vieux four, duquel Jehanne sortit deux gros pains qui furent déposés chacun dans son panier, dont Adam se chargea. Toinot, Blandine, la sœur d’Adam et les enfants se joignirent à eux et ils prirent la direction de la clairière aux chênes.
    Elle avait complètement changé d’aspect. Sam s’arrêta pour ouvrir une barrière en fer forgé qui semblait retenir l’enthousiasme d’une débauche de rosiers sauvages. Il en poussait d’ailleurs tellement partout qu’Adam eut du mal à retrouver le tertre de ses souvenirs. Il écarta les rejetons d’un spécimen à fleurs blanches qui embaumait pour mieux voir une croix celtique en pierre nouvellement plantée à la tête du tertre.
    — Puisque nous venons si souvent ici, nous y avons fait le jardin, expliqua Sam.
    Blandine étendit au pied du tertre une nappe sur laquelle furent placés les paniers de pain au levain odorant, une bouteille de vin, les baies, charcuteries et fromages qui avaient été prévus pour un pique-nique de bienvenue. Alors qu’ils festoyaient de ces délices simples, le soleil déclinant sema sur le tertre à peine visible un fragile tricot de pétales parfumés. Il leur sembla à tous que Louis, du haut de son ciel, avait humé le pain et leur signifiait son appréciation.
    Adam se délesta de son bagage. Il déposa au pied de la croix le livre muet duquel sa mère avait jadis découpé une image. Pendant qu’ils se restauraient et bavardaient, le vent se plut à en tourner les pages, comme s’il était en quête de ce qui n’y avait pas été consigné.
    Adam fit une pause pour déballer son grand paquet plat.
    — C’est ce qui manquait au livre, expliqua-t-il en appuyant contre la croix un portrait au pied duquel il reposa le codex* ouvert.
    Ses parents reconnurent tout de suite l’œuvre. Il

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