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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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fiançailles.

CHAPITRE III
    La lueur de bougies lui permit de détailler tous les attraits de Nadia. Elle portait une robe claire aux manches bouffantes et au corsage dont les plis fins mettaient en valeur sa gorge ferme et rebondie. Avec son port de princesse et sa longue chevelure noire, elle évoquait la belle magicienne Vassilissa chantée par les anciennes légendes et les bylines 1 .
    Nadia posa le bougeoir sur l’appui et se pencha au-dehors. L’instant d’après, elle reconnut la silhouette plantée sous sa fenêtre et se composa une mine ironique.
    — Tiens, c’est notre foudre de guerre ! s’écria-t-elle de sa voix chantante qu’elle baissa aussitôt. Qu’est-ce que tu fabriques ici ?
    — Je t’avais promis de te rendre visite, répondit Philippos. Voilà qui est fait !
    — À vrai dire, je ne suis pas fâchée de te voir, avoua Nadia. Non que tu m’aies manqué, se hâta-t-elle d’ajouter. Je dormais sur mes deux oreilles quand quelqu’un s’est mis à beugler dans la cour. C’était un de ces ivrognes – je veux dire, un des hôtes de marque de mon père, que le Diable les emporte tous ! Depuis, impossible de trouver le sommeil.
    Tout en parlant, Nadia s’appuya sur le rebord de sa fenêtre. Philippos, palpitant, se dressa sur la pointe des pieds, les yeux rivés sur le corsage de la belle qui moulait deux globes d’une rondeur parfaite. L’instant d’après, il eut honte de son audace et rougit jusqu’à la racine des cheveux. Par chance, Nadia n’avait remarqué ni son manège ni son teint cramoisi.
    — Je tournais et virais dans ma chambre quand j’ai entendu ton signal, poursuivit-elle. Ah, je me sens tout agitée ! C’est sûrement à cause de la pleine lune.
    — La pleine lune, c’est demain, précisa Philippos.
    Ils levèrent la tête d’un même mouvement pour scruter le disque d’argent presque rond.
    — N’importe comment, je ne pourrai plus me rendormir, déclara la jeune fille. J’ai envie de courir, de gambader, de m’amuser comme une folle !
    — Et tu n’es pas la seule ! renchérit Philippos. Tout le monde afflue vers la place de la Cathédrale. Il y a des saltimbanques sur leurs tréteaux, mais aussi des jeux, des épreuves de force…
    — Moi, ce que je préfère pendant les fêtes, c’est les illuminations ! l’interrompit Nadia avec fougue. Les feux de joie, les processions aux flambeaux, les torches qui éclairent la cathédrale avec ses coupoles dorées et ses croix qui transpercent les ténèbres… Le mieux, c’est de quitter la ville à la tombée du soir, de s’éloigner de l’enceinte et de monter sur le sommet d’une colline. La vue qu’on a de là-haut est vraiment féerique !
    — Tout ça en pleine nuit, sans blague ! railla Philippos. Ne me dis pas que tu l’as déjà fait.
    — Et comment ! Le plus difficile, c’est d’échapper à la surveillance de mon père et de Fania, ma vieille nounou. Ensuite, je sors de la ville par la porte sud et je prends la grand-route. À dix minutes de marche, il y a un sentier qui conduit vers une colline.
    — C’est la fameuse colline noire ! enchaîna Philippos. J’ai grimpé jusqu’au sommet une bonne vingtaine de fois, c’est un jeu d’enfant… À condition qu’il fasse jour. Affronter les dangers qui te guettent dans les ténèbres, c’est une autre paire de manches !
    De fait, l’ancien tertre funéraire surnommé « la colline noire » passait pour un endroit mal famé. Vieux de plus de deux siècles, il recouvrait la sépulture du Prince noir, un célèbre guerrier viking. Redoutable pirate et commerçant à ses heures, il fut l’un des premiers Varègues à venir s’installer sur les terres slaves. Renonçant à sa vie tumultueuse, il s’était établi sur la haute berge de la Desna, y amena ses hommes et se proclama maître de cette contrée riante et fertile. Il bâtit une forteresse et offrit sa protection aux habitants des hameaux environnants, devenant ainsi le fondateur et le premier suzerain de Tchernigov 2 .
    — Les gens la croient hantée parce que c’est un tertre païen, mais rien ne le prouve ! objecta Nadia. Ce n’est pas comme le loup-garou, par exemple, ou les morts vivants : il y a tellement de témoignages qu’on ne peut douter qu’ils existent. Mais la malédiction de la colline noire, ce n’est qu’une fable stupide.
    Philippos émit un rire sceptique.
    — Je refuse de croire qu’une jouvencelle puisse se risquer

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