Le Secret de l'enclos du Temple
chanoines, des curés et surtout des Parisiens, flattés d'avoir un évêque si proche d'eux.
Le coadjuteur avait autour de lui une dizaine de gentilshommes de ses amis, dont MM. de Bragelonne et de Caumesnil, qui assuraient le service de sa garde. Tous bottés et solidement armés de rapières et pistolets.
Paul de Gondi jugeait qu'il ne risquait rien dans l'enceinte de l'archevêché, mais en raison de la formidable entreprise qu'il venait d'engager, il préférait prendre ses précautions. Il savait par expérience à quel point les espions du cardinal Mazarin étaient redoutables. Quant à la reine, qui, sur un coup de tête, venait de faire saisir le président du Grand Conseil et plusieurs conseillers maîtres des requêtes, elle était parfaitement capable de le faire arrêter tant son impulsivité la rendait incapable de mesurer les conséquences de ses actes.
Gondi et sa troupe sortirent de Notre-Dame en empruntant la galerie du trésor de Notre-Dame, un corridor à deux niveaux passant au-dessus de la cour pour relier la sacristie à l'archevêché.
Le long de la Seine, l'archevêché était formé de deux bâtiments séparés par une chapelle et une vieille tour féodale rectangulaire. Le premier, construit sous le règne de Philippe Auguste par Maurice de Sully en même temps que Notre-Dame, était constitué de deux grandes salles superposées dont la plus basse, voûtée d'ogives, servait aux assemblées ecclésiastiques. Le second bâtiment, dans son prolongement, était l'ancien logement de l'évêque transformé en logements et en salles de travail pour les serviteurs du diocèse.
La galerie communiquait avec la tour et la chapelle, et un petit escalier desservait la cour. En semaine, l'endroit grouillait de monde, de voitures, de chaises à porteurs et de mules, car l'archevêché utilisait beaucoup de personnel pour récolter les dîmes, s'occuper des paroisses, des couvents, de l'enseignement, de la charité et de la justice ecclésiastique. Mais comme on était dimanche, tout était désert. Au demeurant, Paul de Gondi se voyait ici chez lui puisqu'il était le gestionnaire du diocèse en attendant de devenir à son tour archevêque, quand son oncle Jean-François de Gondi se retirerait.
La troupe descendit l'escalier avec grand fracas. Elle longea le bâtiment administratif, les écuries et les communs avant d'atteindre un bâtiment perpendiculaire à la rivière et accolé à Saint-Denis-du-Pas, l'église des chanoines.
Tout le monde entra rapidement dans ce corps de logis et le concierge, qui les attendait, referma prestement la porte et poussa les verrous. Cette bâtisse à un étage sans charme ni élégance, c'était le petit archevêché, le logement du coadjuteur.
Le groupe traversa le vestibule gardé par cinq ou six hommes avec épée et pistolets et pénétra dans une salle de réception où était dressée une grande table pour le dîner. Les domestiques et une trentaine de familiers attendaient le coadjuteur. Se trouvaient là son médecin et son chirurgien, des gentilshommes de sa maison, solidement armés, mais aussi des imprimeurs et des gens de lettres qui écrivaient et distribuaient des libelles contre la Cour chaque jour sur le Pont-Neuf. Ces libellistes venaient de tous les horizons. Il y avait des ecclésiastiques, plus réputés pour leurs propos impies que pour leurs pratiques religieuses, des rimeurs à quatre sous, mais aussi des gentilshommes talentueux, comme Jacques Carpentier de Marigny, qui éclusait un verre de clairet en compagnie du baron de Blot.
Courbé en deux, un petit homme rondelet s'avança vers le coadjuteur. C'était son intendant.
— Monsieur Rousseau, lui demanda Gondi, MM. Joly et Miron sont-ils arrivés ?
— Oui, monseigneur, ils vous attendent dans votre appartement.
— Messieurs, fit Gondi en s'adressant aux gens qui l'avaient accompagné et à ceux qui l'attendaient, vous dînerez ici à ma santé. Je resterai chez moi avec mes invités. Profitez de mon absence pour dire du mal de moi, plaisanta-t-il, en faisant signe à l'abbé Gilles Ménage, son secrétaire, de l'accompagner. Monsieur Rousseau, ajouta-t-il à l'attention de son intendant, sitôt que MM. Fontrailles et Montrésor arriveront, faites-les monter sans attendre.
*
Le coadjuteur et l'abbé Ménage, précédés du maître d'hôtel, traversèrent la salle et empruntèrent l'escalier conduisant aux appartements privés.
À l'étage, le maître d'hôtel ouvrit la
Weitere Kostenlose Bücher