Le Secret de l'enclos du Temple

Petit-Bourg, était issu d'une famille pauvre. Entré jeune dans les ordres, il s'était fait remarquer par son esprit fin et ses capacités à enseigner. Il était ainsi devenu régent au collège du Plessis, puis aumônier ordinaire de Monsieur Gaston d'Orléans, et enfin premier aumônier de Madame. Son habileté et ses conseils pertinents en avaient fait le principal confident du duc auprès de qui il avait rapidement supplanté le comte de Montrésor, qui, par dépit, avait rejoint le coadjuteur Paul de Gondi.
    Ambitieux, mais sans autre fortune que l'amitié de Gaston d'Orléans, l'abbé avait vite compris qu'il pouvait monnayer sa position. Il était ainsi devenu proche de Particelli d'Émery et on disait que c'était grâce à lui que l'Italien avait été nommé surintendant. On murmurait aussi que l'abbé avait été approché par le cardinal Mazarin pour qu'il soutienne sa politique auprès de Monsieur, et qu'en échange, le ministre lui avait promis le chapeau de cardinal destiné à M. le Prince de Conti.
    M. Boutier et Gaston de Tilly s'inclinèrent devant les trois hommes, puis le prélat fit deux pas vers eux, avec beaucoup de majesté :
    — Monsieur Boutier, quel plaisir de vous revoir, dit-il d'une voix onctueuse. Quant à vous, Monsieur de Tilly, je n'ai pas l'honneur de vous connaître, mais votre habileté et votre réputation vous précèdent. Laissez-moi vous présenter mon chancelier, M. de Choisy – il désigna d'un index finement manucuré le colosse sanguin –, et mon secrétaire des commandements, M. Goulas, seigneur de Ferrières – le frêle vieillard.
    Boutier connaissait vaguement le conseiller d'État Jean de Choisy mais n'avait jamais vu le secrétaire des commandements ; il savait seulement que Léonard Goulas avait une grande influence sur le prince. Quant à Gaston, il examina M. Goulas. Ainsi c'était lui le maître de ce Dufresne qui avait fait condamner sa femme pour commerce avec le Démon. Il songea qu'il pourrait peut-être profiter de la situation pour interroger le valet de chambre.
    — Que puis-je faire pour vous aider à attraper ce coquin ayant tué mon pauvre Paris ?
    — Je souhaitais voir les lieux du crime, ainsi que le coffre, monsieur l'abbé, répondit Gaston.
    — Le voici, fit La Rivière, en montrant un coffre de fer, non loin du lit.
    Gaston s'approcha. C'était un gros coffre avec une serrure sur le dessus.
    — Le voleur avait la clef, m'a-t-on dit. Votre valet, M. Paris, la possédait-il ?
    — Non, nous ne sommes que quelques-uns à la détenir. Ou le voleur était un adroit serrurier, ou il était parvenu à en réaliser une copie.
    — Cet homme connaissait les lieux. Il savait que vous étiez absent et qu'il y avait une forte somme dans le coffre. Il s'agit donc d'un familier, ce qui explique qu'il ait pu faire une fausse clef, commenta Gaston.
    — Nous étions parvenus à la même conclusion que vous. L'impudence est bien l'apanage des valets ! Cet assassin vit parmi nous, nous l'approchons tous les jours et il peut recommencer demain ! gronda M. de Choisy.
    — Il vous faut le saisir rapidement, monsieur de Tilly, s'inquiéta l'abbé. M. d'Orléans ne peut tolérer cette situation ! Vous savez que j'ai proposé une récompense de douze mille livres…
    — Je vais commencer mes investigations, le rassura Gaston. Pourrait-on me présenter aux gens de la maison de M. le duc qui fréquentent cet étage ?
    — Goulas, accompagnez MM. de Tilly et Boutier ! Qu'ils puissent interroger tous les domestiques à leur guise.
    Gaston de Tilly jugea inutile de préciser qu'il ne songeait pas seulement aux domestiques, puisque l'assassin pouvait être n'importe qui.
    Le secrétaire des commandements parut contrarié d'être ainsi congédié, mais il accepta d'un signe de tête. Les visiteurs saluèrent l'abbé et le chancelier avant de sortir.
    *
    — Nous allons faire le tour de l'étage, mais je vous préviens : vous allez avoir beaucoup de monde à rencontrer, fit Goulas d'un ton sec. La maison du duc compte plusieurs centaines de personnes. Par où voulez-vous commencer ?
    — Je sais que ce sera un travail de fourmi, répliqua Gaston, en réprimant une grimace. Pour l'instant, je veux juste me faire une idée de l'entourage de M. l'abbé et de Mgr le duc. Je reviendrai cet après-midi, et encore demain avec mon secrétaire prendre des dépositions. J'aurais déjà besoin de savoir qui était à Limours avec Mgr le duc