Le Secret de l'enclos du Temple

et M. l'abbé, ainsi que d'une liste de tous les gens de la maison de Monsieur, en distinguant ceux qui logent ici, et ceux qui habitent Paris.
    — J'étais moi-même avec le duc, et je pourrais vous communiquer la liste de ceux qui se trouvaient à Limours dès l'après-midi, proposa obligeamment le secrétaire des commandements. Cependant, pour celle des gens de sa maison, ce sera beaucoup plus long. Voulez-vous aussi que j'y fasse noter tous ses officiers et ses commensaux ?
    — Oui, ainsi que leurs propres domestiques.
    — Même ceux qui ne logent pas ici ?
    — Même ceux-là.
    — Vous en aurez pour des mois à tous les interroger ! Beaucoup ne sont de service qu'une semaine sur deux, ou un mois sur deux.
    — Je m'en doute, mais je me ferai aider si c'est nécessaire. Je vais d'abord interroger les plus proches de l'abbé, mais si je n'aboutis pas, je serai bien contraint d'en passer par là.
    — Comme vous voulez ! Je ferai préparer ces documents par mes secrétaires. Mais il me faudra trois ou quatre jours pour ce faire.
    *
    Goulas les conduisit ensuite de pièce en pièce, leur présenta quantité de secrétaires, officiers et commensaux divers, ainsi que les médecins, les chirurgiens et les apothicaires du duc. La domesticité paraissait innombrable, mais Gaston se rassura en songeant qu'il pourrait sans doute éliminer les femmes.
    Midi était passé depuis longtemps quand Boutier lui proposa de le ramener dans sa voiture. Gaston accepta, il reviendrait au palais d'Orléans à cheval, après son dîner.
    Alors qu'il remerciait M. Goulas, il lui posa une question qui lui brûlait les lèvres et qu'il n'avait pas encore eu l'occasion de glisser :
    — M. Goulas, vous avez, je crois, un valet de chambre du nom de Dufresne ?
    — En effet, monsieur, a-t-il un rapport avec cette histoire ? s'inquiéta le secrétaire.
    — Pas du tout, mais j'aurais souhaité l'interroger au sujet de sa femme dont j'ai suivi le procès. Est-il au palais en ce moment ?
    — Non, monsieur. J'habite rue Barbette 54 . C'est là-bas qu'il a son service. Il y loge une semaine sur deux.
    — Il ne vient jamais ici ?
    — Rarement.
    54 Devenu hôtel d'Estrées, démoli en 1929.

17
    G aston revint l'après-midi accompagné de Pierre Lenormand, un greffier au Châtelet resté à son service depuis qu'il avait quitté son office de commissaire. Au palais d'Orléans, le procureur interrogea d'abord les domestiques de l'abbé de La Rivière, puis le garde de faction qui avait vu partir les deux hommes barbus la nuit de Noël. Ces interrogatoires ne lui apprirent rien. Le factionnaire se souvenait seulement de vagues silhouettes. Il faisait nuit et une seule lanterne éclairait le corps de garde par où ils étaient sortis. Ils ne lui avaient pas parlé, et ils portaient tous deux un sac, dont l'un semblait contenir des vêtements. En revanche, comme les barbus rejoignaient la rue de Vaugirard, le soldat avait remarqué qu'une femme paraissait les attendre sous l'une des lanternes extérieures.
    Gaston demanda ensuite à voir le bouge où dormait Paris. Malheureusement, il ne restait rien de ses affaires et le cabinet avait déjà été attribué à un autre valet. C'était d'ailleurs parce que ses affaires avaient disparu qu'on avait cru à sa fuite, lui expliqua-t-on.
    Ses affaires se trouvaient-elles dans les sacs des deux barbus ? Sans doute, aussi Gaston était-il de plus en plus certain que l'entreprise avait été soigneusement préparée. Le lendemain, M. Goulas lui remit une liste des gens présents avec le duc le soir de Noël, donc inutile de questionner. Pour les autres, le procureur poursuivit ses interrogatoires que M. Lenormand transcrivit. Mais le soir, quand il eut fini de parcourir ces procès-verbaux, Gaston ressentit un profond pessimisme dont il fit part à Armande.
    Parmi ceux qu'il avait interrogés, personne n'était soupçonnable. Goulas lui avait promis la liste complète des gens du duc pour le vendredi. Même s'il éliminait les femmes, ce qui était d'ailleurs peut-être une erreur, il aurait plusieurs centaines de gens à rencontrer, dont beaucoup logeaient en ville. Un travail de titan. Il serait nécessaire de demander à Dreux d'Aubray quelques hommes pour l'aider, ce qu'il aurait voulu éviter.
    *
    Le lendemain, le mercredi 8 janvier, il était encore dans sa chambre avec Armande quand la femme de chambre gratta à leur porte. Un chevau-léger d'Orléans venait d'apporter