Le secret d'Eleusis

du village. Une source de montagne s’écoulait dans une fontaine en pierre taillée. Il but une gorgée d’eau glacée avant de poursuivre sa route.
    — Vous pensez que c’était ce type, Jannsen, qui se trouvait dans la voiture et non Nergadze ? demanda-t-il.
    — Ça m’en a tout l’air. D’après un des Géorgiens, Nergadze avait des tatouages et il n’y en avait aucun sur le corps que nous avons trouvé. Nergadze a dû se douter qu’il serait traqué par toutes les voitures de police. Il a sans doute mis ce stratagème en place avant que la chasse à l’homme ne commence. Voici notre hypothèse : il a attendu que Jannsen sorte de l’agence de location de voitures et il l’a tué, avant de lui couper les cheveux et d’échanger ses vêtements avec lui. Ensuite, il l’a mis au volant en attachant la ceinture de sécurité, il a reculé le siège le plus loin possible et il s’est assis sur lui pour conduire.
    Une femme corpulente, à l’ombre de son porche, lança à Knox un regard soupçonneux.
    — Il a peut-être espéré s’en sortir comme ça, poursuivit Angelos, mais il avait un plan d’urgence. Nous savons qu’il était déjà allé dans la zone de fret. Nous avons retrouvé sa Mercedes dans un entrepôt, avec le corps d’un de ses hommes, celui qui a essayé de voler de l’argent. Visiblement, il nous a entraînés là-bas à dessein et il a crié son nom afin que nous soyons sûrs qu’il s’agissait bien de lui, avant de précipiter la Citroën contre la remorque.
    Knox se représenta la scène.
    — Il a dû plonger côté passager au dernier moment, conjectura-t-il.
    — Il a peut-être choisi une décapotable pour que le toit se déchire plus facilement, à moins que le hasard n’ait bien fait les choses. Et c’est aussi pour ça qu’il y avait des billets de banque comme s’il en pleuvait. On a eu l’impression que cela représentait beaucoup d’argent, mais ce n’était qu’une partie du contenu de la mallette. Nergadze a dû semer des liasses de billets derrière lui pour distraire l’attention des policiers situés en première ligne. Entre-temps, il avait sans doute mis le reste de l’argent à l’abri quelque part dans un sac, avec des vêtements propres ainsi que le passeport et le portefeuille de Jannsen. Une fois sorti de la voiture, il a dû aller chercher son sac pour se changer, avant de se diriger tranquillement vers le terminal. Il faut être cinglé pour élaborer un plan pareil, mais d’après ce que vous nous avez dit...
    — Vers le terminal ? répéta Knox.
    Il se trouvait désormais sur un chemin de terre. Il courait de plus en plus vite, le souffle court. Une mule le regarda passer en broutant.
    — Vous n’allez pas me dire qu’il a pris l’avion ! s’exclama-t-il.
    — Apparemment, si. En tout cas, un homme répondant au nom de Jannsen a pris un vol hier soir.
    — Et où est-il allé ?
    — C’est pour ça que je vous disais de ne pas vous inquiéter.
    — C’est pas vrai ! Il est en Crète, c’est ça ? Il va s’en prendre à Gaëlle !
    — Il ne peut pas être fou à ce point ! C’est un fugitif. Il veut simplement se cacher, car il sait bien que nous finirons par découvrir la vérité.
    — Non, c’est pour elle qu’il est là, j’en suis sûr !
    Knox entendit quelqu’un crier à l’autre bout de la ligne.
    — Attendez une seconde, dit Angelos sur un fond sonore de récriminations.
    Son portable collé à l’oreille, Knox courait toujours sur un sol de moins en moins praticable. À un moment donné, il vit un amas de rochers en travers du chemin et deux voitures garées côte à côte sous les arbres.
    — Bon, reprit Angelos, voici les dernières nouvelles : l’aéroport d’Héraklion a confirmé l’arrivée, la nuit dernière, d’un passager répondant au nom de Jannsen. Celui-ci a loué une voiture. Une Mazda.
    — Immatriculée HKN 1447.
    — Quoi ? Comment le savez-vous ?
    — Parce qu’il est ici. Il est arrivé avant moi.

Chapitre 41
    I
    Argo se faufilait entre les ajoncs épineux, qui écorchaient les bras et les jambes de Gaëlle, toujours fermement cramponnée à la laisse. Soudain, elle trébucha contre une pierre et le retint dans sa course avec une telle violence qu’il finit par s’arrêter, surpris. Elle reprit l’équilibre et jeta un coup d’œil en arrière.
    Iain la talonnait, mais elle constata avec stupéfaction qu’une troisième personne les suivait au milieu