Le secret d'Eleusis

brillant avenir. Demandez-le-lui, si vous ne me croyez pas. Il n’était rien. Il n’était personne. C’était moi le plus doué. C’était moi !
    — Vous vous êtes mis en colère, murmura Gaëlle.
    — J’avais de bonnes raisons de me mettre en colère !
    — C’est pour ça que votre femme vous a quitté. Vous lui avez fait peur.
    — Allez-y ! Prenez sa défense !
    — Vous l’avez frappée. Elle était enceinte et vous l’avez frappée.
    — Taisez-vous ! cria Iain en faisant un pas en avant. Comment osez-vous dire une chose pareille ? Je ne l’ai jamais battue ! Je n’ai jamais levé la main sur elle !
    — Vous mentez.
    — Elle voulait m’enlever mon fils ! Qu’est-ce que je pouvais faire d’autre ?
    — Et vous espériez la reconquérir en lui prouvant que vous étiez quelqu’un. Vous ne pouviez donc pas laisser Petitier faire des révélations au congrès. Vous ne vouliez pas qu’il parle avant la sortie de votre livre. Alors vous l’avez suivi à Athènes.
    Surpris, Iain tressaillit.
    — Qu’est-ce que vous racontez ?
    — Vous allez régulièrement à Athènes. Vous me l’avez dit vous-même hier soir.
    — C’était une façon de parler.
    — Bien sûr ! Et le ticket de métro que j’ai trouvé dans votre sac à dos. C’est une façon de parler aussi ?
    Iain regarda Gaëlle avec stupéfaction. Elle comprit trop tard son imprudence. Elle hocha la tête d’un air déterminé afin de ne pas perdre l’avantage, puis marcha jusqu’à l’escalier en espérant que Iain serait trop abasourdi pour l’arrêter. Mais celui-ci la rejoignit lorsqu’elle était au milieu des marches et la poussa pour lui bloquer le passage.
    — Mettons les choses au clair ! lança-t-il.
    — Quelles choses ?
    Gaëlle essaya de forcer le passage, mais Iain était trop fort. Ils s’empoignèrent ; il mit accidentellement la main sur sa poitrine. Rouge de colère, il fit tomber la jeune femme en bas de l’escalier. Elle atterrit sur le côté et se redressa sur un coude. Il la rejoignit avec une expression troublante où se mêlaient le ressentiment, la peur et la luxure. Elle se précipita dans le laboratoire de chimie et claqua la porte, avant de la bloquer en coinçant une chaise sous la poignée.
    — Laissez-moi entrer ! hurla Iain. Laissez-moi entrer !
    — Allez-vous-en !
    — Vous êtes complètement folle, Gaëlle !
    Iain donna un grand coup sur la porte. La chaise descendit de quelques millimètres. Un autre coup ! La chaise céda et tomba. Gaëlle retint la porte de l’épaule, mais Iain était bien trop fort pour elle et l’obligea à reculer. Elle se réfugia derrière la table de travail. Il s’approcha, tendit les mains et lui prit les seins, délibérément cette fois. Elle croisa les bras et se tourna. L’étagère de produits chimiques se trouvait juste au-dessus d’elle. Elle aperçut du coin de l’œil les têtes de mort sur les étiquettes. Elle s’empara d’un flacon de soude caustique et en jeta le contenu au visage de Iain, qui se mit à crier, les yeux fermés.
    Elle s’enfuit aussitôt, courut vers l’escalier, gravit les marches quatre à quatre et referma la trappe derrière elle. Il n’y avait pas de loquet. Elle tenta de tirer le fauteuil au-dessus de la trappe, mais Iain fut trop rapide. Il sortit en titubant, couvert de poudre blanche, tel un zombie de film d’horreur. Elle se précipita dehors, où Argo aboyait et sautait contre le grillage de son enclos, comme s’il sentait qu’elle était en danger. Elle entra dans l’enclos, prit la laisse et essaya de l’accrocher au collier du chien, mais celui-ci était trop agité pour se tenir tranquille et elle ne parvint pas à l’attacher.
    — Sortez de là ! exigea Iain, le visage rougi par la soude caustique et les yeux ruisselants de larmes.
    — Allez-vous-en ! cria Gaëlle.
    Elle finit par accrocher la laisse au collier. Elle l’enroula autour de son poignet et ouvrit la porte de l’enclos. Argo se mit à bondir vers Iain. Lui seul pouvait la défendre.
    — Retenez-le ! hurla Iain en menaçant le chien de la crosse de son fusil.
    Gaëlle tira sur la laisse de toutes ses forces. Argo résista un moment, puis céda brusquement, la truffe enfouie dans l’herbe, comme s’il venait de flairer quelque chose. Il suivit la piste en entraînant sa protégée malgré elle. Gaëlle essaya de le tirer en direction de l’escarpement, mais il était déterminé à aller