Le secret d'Eleusis
va, trancha Mikhaïl en faisant claquer son verre sur la table. À moins que vous n’ayez une meilleure idée, bien sûr.
— Non, soupira Édouard en baissant la tête.
— Alors fermez-la !
Ils se levèrent tous, à l’exception d’Édouard, qui resta assis.
— Vous venez avec nous, décréta Mikhaïl.
— Je ne suis vraiment pas fait pour...
— J’ai dit : vous venez avec nous.
Édouard se leva avec réticence et suivit les autres jusqu’aux ascenseurs. Il ne voyait pas pourquoi Mikhaïl exigeait sa présence. Visiblement, celui-ci prenait du plaisir à faire faire aux autres ce qu’ils détestaient faire. Sans doute était-ce une raison suffisante pour lui. Édouard regarda la grille se refermer comme une porte de prison. L’ascenseur trépida et commença à monter. Il était évident que Knox et Bonnard n’avaient absolument rien à voir dans la mort de Petitier. Seul Mikhaïl ne s’en rendait pas compte. Il croyait que tout le monde était aussi malveillant et avide que lui. La grille s’ouvrit. Au moment de sortir, Édouard remarqua sur le miroir le programme modifié du congrès. Il n’avait pas le temps de réfléchir. Il l’arracha aussitôt et le tendit à Mikhaïl.
— Regardez ! s’écria-t-il. Knox va intervenir au congrès demain matin.
— Et alors ? demanda Mikhaïl.
— Alors il va être la troisième victime de ce foutu congrès ! Et avec la fille, ça fera quatre ! Les flics vont devenir dingues... Il y a des caméras de surveillance partout. On va se faire arrêter à coup sûr. De toute façon, la Toison d’or n’est pas ici. Souvenez-vous de ce qu’on a entendu à la télévision : Knox et Pascal l’ont emportée à l’aéroport dans un sac. Ils l’ont sûrement cachée là-bas. Et Knox n’ira pas la récupérer avant son intervention, pas tant qu’il est suspect.
— Sauf s’il a précisément l’intention de la montrer lors du congrès, objecta Mikhaïl.
— Il faudrait être fou pour faire ça ! Comment pourrait-il prouver qu’il l’a eue autrement qu’en assassinant Petitier ?
Mikhaïl garda le silence un instant et réfléchit à la question.
— Il a raison sur ce point, patron, reconnut Boris à contrecœur.
— Et ce n’est pas tout, insista Édouard, voyant qu’il avait l’avantage. Nous savons précisément où il sera demain. Nous n’aurons qu’à attendre qu’il ait terminé pour le cueillir à la sortie. À ce moment-là, personne ne remarquera son absence.
Mikhaïl médita longuement, les sourcils froncés, puis son visage s’éclaira.
— Voici ce que nous allons faire ! annonça-t-il comme s’il s’agissait de son idée. Nous allons attendre qu’il ait fait son intervention. Après tout, nous saurons où le trouver.
— Bien vu, patron, déclara Zaal.
Ils remontèrent dans l’ascenseur. Édouard sentit une goutte de sueur couler sous sa chemise. Il avait évité la catastrophe, pour ce soir, en tout cas. Mais qu’allait-il pouvoir faire demain ?
III
Knox avait du mal à se concentrer sur le texte d’Augustin. Gaëlle, qui avait commencé le rituel de ses ablutions du soir, avait généreusement laissé la porte de la salle de bains entrouverte. Comme si elle savait qu’il la regardait, elle se retourna et brandit sa brosse à dents dans sa direction.
— Combien de fois dois-je te dire de refermer mon dentifrice quand tu as terminé ? demanda-t-elle. Il a coulé et séché. Tu sais que je déteste ça.
— Oui, admit Knox en souriant. Je sais que tu détestes ça.
Elle fit la moue et, se servant de sa brosse à dents comme d’un lance-pierres, l’éclaboussa de fines gouttelettes de dentifrice. Il la contempla tendrement. Elle portait un de ses vieux tee-shirts, assez vaste pour lui couvrir les fesses comme une minijupe, relativement décent la plupart du temps, sauf lorsqu’elle se penchait en avant pour cracher son dentifrice. Elle se brossait les dents avec son énergie habituelle. Elle prit un peu d’eau, se rinça la bouche et cracha la mousse blanche tout en passant sa brosse à dents sous le robinet. Puis elle se tourna ostensiblement vers Knox pour boucher le tube de dentifrice, avant de le ranger dans le verre avec la brosse à dents, comme une petite fille sage. Ensuite, elle se brossa les cheveux, vingt coups à droite, vingt coups à gauche. Comme tous les soirs. Au fil du temps, Knox avait fini par s’habituer à ce rituel et n’y faisait même plus attention. Mais
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