Le secret d'Eleusis

de temps à autre, comme ce soir, il le redécouvrait comme si c’était la première fois et se sentait comblé.
    — Viens te coucher, dit-il.
    — Une minute.
    Ils avaient été amis et collègues avant de devenir amants. La transition était toujours difficile, du moins, lorsqu’elle n’était pas noyée dans une bonne dose d’alcool. C’était après l’affaire Akhenaton que Knox avait décidé de faire le premier pas. Il avait failli perdre Gaëlle et compris à quel point il tenait à elle. Il avait donc prévu de lui parler lors d’un dîner romantique, d’amener le sujet indirectement avec quelques plaisanteries tendancieuses, de lui lancer un ou deux regards lourds de sous-entendus, et d’observer sa réaction tout en se ménageant une porte de sortie. Mais rien ne s’était passé selon ses plans. Les médias du monde entier avaient réclamé à cor et à cri une interview des deux archéologues, jusqu’à ce que Yusuf Abbas, le secrétaire général du Conseil suprême des antiquités, finisse par céder. Il avait convoqué la presse dans la salle de conférences de l’hôpital le jour de la sortie de la jeune femme. Assis côte à côte derrière une table à tréteaux, Knox et Gaëlle avaient donc éludé les questions le mieux possible, comme l’avait exigé Yusuf. Les journalistes n’avaient pas eu d’autre choix que de changer leur fusil d’épaule.
    — Et, euh, y a-t-il autre chose entre vous qu’une simple relation professionnelle ? avait demandé un Français qui portait une longue barbiche rousse et des tresses avec des perles.
    Gaëlle s’était tournée vers Knox pour voir lequel d’entre eux allait répondre et s’était penchée vers la rangée de micros.
    — Non, avait-elle déclaré. Nous sommes collègues, rien de plus. Nous travaillons ensemble.
    L’opportunité avait été trop bonne pour que Knox la laisse passer.
    — Vous voyez ce que je dois endurer ! s’était-il exclamé en s’adossant à sa chaise. Vous arrachez une fille des griffes de séparatistes macédoniens, vous la sauvez de la noyade, et qu’est-ce que vous êtes pour elle : un collègue, rien de plus !
    Il avait ouvert les bras en direction des journalistes pour les encourager à prendre son parti.
    — Allez, quoi ! s’était-il écrié. Vous pourriez me soutenir. Vous ne croyez pas que j’ai mérité au moins un rencard ?
    — Vous ne lui avez même pas accordé un simple dîner ? avait demandé le Français sur un ton incrédule.
    — Il ne m’a jamais rien demandé de tel, avait protesté Gaëlle en fusillant Knox du regard.
    — Alors je te le demande maintenant, avait dit Knox.
    — Vraiment ?
    — Oui, vraiment.
    La gorge et les joues de Gaëlle s’étaient joliment empourprées, sous son regard étincelant.
    — Alors d’accord, avec plaisir.
    La jeune femme sortit de la salle de bains en se passant les mains dans les cheveux.
    — Quoi ? demanda-t-elle d’un air soupçonneux lorsqu’elle vit Knox la regarder.
    — Rien, répondit-il.
    — Bien sûr...
    — C’est juste que, parfois, j’oublie à quel point tu es belle. Et puis, tu arrives et je te vois.
    Gaëlle dévisagea Knox d’un air entendu.
    — Pas ce soir, prévint-elle. Je suis épuisée.
    — Ce n’est pas ce que je voulais dire ! se défendit Knox en riant. Je voulais juste dire que, parfois, j’oublie à quel point tu es belle.
    — Oh !
    Knox vit ces belles couleurs chaudes, qui lui étaient désormais familières, parer de nouveau la gorge et les joues de Gaëlle. Il en était à chaque fois bouleversé.
    — Alors, merci, dit Gaëlle.
    Elle replia son côté de la couette et grimpa avec une inélégance presque enfantine dans le lit. Knox se glissa sous la couette à son tour et étendit les jambes pour lui caresser les mollets de ses pieds nus.
    — Tu as les pieds glacés ! se plaignit Gaëlle.
    — Je peux remettre mes chaussettes, proposa Knox. J’ai entendu dire que les femmes trouvaient ça très sexy.
    — Irrésistible, renchérit Gaëlle.
    Knox était réconforté par sa présence, mais cette trêve ne dura pas. Le bonheur était fragile quand on avait perdu autant d’amis.
    Depuis la mort de Petitier, Athènes ne paraissait plus aussi sûre qu’auparavant, surtout avec ces types louches qui traînaient dans les ascenseurs. Knox n’avait pas peur pour lui, mais il ne voulait pas faire prendre de risques à Gaëlle. Il se redressa sur un coude.
    — Ça ne te