Le secret d'Eleusis
musée d’Éleusis, dans laquelle avait été bâti le pavillon des congrès.
— J’ai donc entrepris de réfuter cette théorie, reprit Franklin, en expliquant pourquoi elle avait été établie et pourquoi certains de mes collègues la défendaient bec et ongles, en dépit de toutes les preuves.
— Vous les avez accusés de racisme ?
— De racisme, de colonialisme, d’impérialisme et d’ignorance ! lança Franklin avec un petit rire sans joie. Bien sûr, ce qui a fait mouche, c’est l’accusation d’ignorance.
— Et comment tout cela s’est-il terminé ? demanda Knox en lui ouvrant la porte du pavillon, avant de pénétrer à son tour dans la fraîcheur obscure du bâtiment.
Franklin se retourna, un grand sourire aux lèvres.
— D’une façon assez inattendue, répondit-il.
Chapitre 16
I
Gaëlle se versa une tasse de café dans la cuisine de la Taverne et fit le tour du logement. Étrangement, les murs étaient couverts de photos encadrées de chats roux et tigrés. L’étagère de la salle à manger était remplie de vieux magazines, de thrillers aux pages jaunies et cornées, et de romans à l’eau de rose, dont les couvertures aux couleurs criardes étaient à moitié arrachées. Gaëlle prit un vieux Marie-Claire et monta sur la terrasse de toit avec un paquet de biscuits. Elle tira une chaise dans l’ombre d’un grand conifère. La brise lui apportait quelques bribes des conversations téléphoniques de Iain, dont le ton était tour à tour enjôleur, amusé et sévère. Mais la fatigue rattrapa rapidement la jeune femme, qui s’assoupit et ne se réveilla que lorsque Iain fit irruption sur la terrasse.
— Ah ! vous êtes là ! s’exclama Iain, comme s’il avait passé des heures à chercher son invitée.
— Excusez-moi, je n’ai pas beaucoup dormi la nuit dernière, expliqua Gaëlle, les yeux plissés.
Le soleil, désormais haut au-dessus des arbres, l’obligea à mettre sa main en visière.
— Je plaisante, reconnut Iain en souriant. Je vous ai vue monter ici. J’avais l’intention de vous laisser dormir, mais j’ai fait quelques découvertes susceptibles de vous intéresser.
— Génial !
— Je commence par la mauvaise nouvelle : aucune trace de Petitier dans les organismes gouvernementaux locaux. Cela dit, étant donné leur efficacité, le contraire aurait tenu du miracle.
Iain prit un biscuit et continua à parler la bouche pleine en faisant tomber des miettes autour de lui.
— Mais vous m’avez dit qu’il était archéologue et j’ai eu une idée, annonça-t-il. J’ai saisi son nom dans notre propre base de données et il se trouve que c’était un locataire régulier de la villa Ariane.
— C’est-à-dire ?
— Il venait souvent faire des recherches ici. Je l’ai même rencontré une fois ou deux sans le savoir. Tout le monde l’appelait Roly. En fait, il y a quelques années, par mesure de sécurité, nous avons fourni à tous nos chercheurs une carte de résident avec photo. J’ai donc une photo de lui, si cela peut vous être utile.
— Parfait !
— Je me doutais que vous apprécieriez. Je suis en train de l’imprimer.
Iain invita Gaëlle à l’accompagner dans son bureau. Elle avait les jambes en coton, comme si elles lui en voulaient de les faire marcher trop tôt. Mais après avoir dormi au soleil, elle se délecta de la fraîcheur dispersée par le ventilateur de plafond, qui, réglé en première position, semblait souffler sur elle comme un ange. L’imprimante était dans un coin du bureau ; l’impression n’était pas terminée.
— Cette foutue machine met un temps fou, déclara Iain. On n’a jamais les fonds suffisants pour investir dans les nouvelles technologies. On préfère privilégier les vieux livres.
Gaëlle adorait ce genre de bureau. Tous les murs avaient disparu derrière de hautes étagères remplies à craquer de travaux universitaires sur la Crète minoenne et les Mycéniens, l’Égypte ancienne et la Grèce classique, ou les Hittites et les Babyloniens. Des livres étaient également empilés sur la table de travail. Une lettre marquait une page dans un recueil relié de Journaux de l’archéologie égyptienne . Piquée par la curiosité, Gaëlle ouvrit le recueil et parcourut la lettre. Celle-ci avait été envoyée à Iain par un éditeur londonien, modeste mais respecté, qui lui confirmait la publication de son prochain livre.
— Hé ! s’exclama Gaëlle.
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