Le secret d'Eleusis
tranquillement fait les poches jusqu’à ce qu’il trouve son portefeuille. Puis il avait avancé vers Nadia. Elle avait eu envie de crier, mais le son était resté bloqué dans sa gorge. Elle avait simplement reculé jusqu’au mur. La lame de son couteau contre sa gorge, il avait laissé courir sa main libre de ses seins à son ventre, avant de lui palper l’entrejambe comme on tâte un fruit pour s’assurer qu’il est mûr. Et si son visage avait été presque entièrement dissimulé par son écharpe et sa casquette, ses yeux d’un bleu acier étaient restés gravés dans la mémoire de Nadia.
La police n’avait pas cru à un meurtre prémédité. Tbilissi était une ville violente, avait dit l’officier ; les agressions et les cambriolages étaient monnaie courante. Nadia avait fait sa fausse couche une semaine plus tard. Elle n’avait même pas eu le temps de se rendre compte qu’elle était enceinte. À partir de ce moment-là, elle s’était désintéressée de la mode. Et lorsque le journal avait refusé d’enquêter à ses frais sur le meurtre d’Albert, elle avait démissionné et décidé de travailler en indépendante pour avoir le temps de le faire elle-même. Ses recherches n’avaient abouti à rien, mais elle avait découvert beaucoup d’autres choses, qu’aucun journal n’aurait accepté de publier. Elle avait donc créé un blog.
Le vent lui rabattit la pluie au visage. Ce n’était plus un simple crachin qui s’engouffrait entre les pans de son manteau. Quelques parapluies se retournèrent et se cabrèrent comme des chevaux sauvages. Elle détourna les yeux des baleines pointues. Une musique assourdissante l’attira dans un bar. C’était un endroit anonyme ; l’éclairage était faible ; de nombreux recoins permettaient aux buveurs de s’adonner en toute discrétion à leur vice. Un grand serveur en nœud papillon accueillit Nadia à la porte et l’accompagna dans l’ombre.
— Une vodka, commanda-t-elle.
Ce soir, le vin n’y suffirait pas. Le serveur hocha la tête d’un air compatissant avant de s’en aller, comme s’il pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert et savait que ce verre serait le premier d’une longue série.
Chapitre 25
I
C’était une belle soirée. Le ciel était clair, l’air légèrement parfumé d’une odeur de lavande et de chèvrefeuille. Iain et Gaëlle, assis au milieu de leurs restes de pâtes et de sauce tomate, admiraient la voûte étoilée. Des geckos gris-vert faisaient de brèves apparitions sur les murs blafards, tandis que les criquets stridulaient dans les champs environnants.
— Quelle magnifique soirée, murmura Gaëlle.
— Les nuits comme celles-ci nous rapprochent de notre passé, dit Iain. Un de nos archéologues est allé vivre sa retraite sur le plateau de Lassithi. J’avais entendu dire qu’il était un peu souffrant en début d’année, alors je suis allé le voir pour m’assurer que tout allait bien. Heureusement, il était en bonne santé, mais une tempête de neige d’une force incroyable s’est abattue sur nous. Ça arrive vite par ici. Bref, j’ai été bloqué chez lui pendant presque une semaine. Une véritable aubaine pour moi ! Il m’a raconté des histoires fantastiques. Et surtout, il avait un télescope sur le toit. Nous avons vu une extraordinaire pluie de météorites. Imaginez que les Minoens aient été témoins d’un tel phénomène ! Qu’une météorite soit tombée ici ! Vous ne trouvez pas que cet endroit ressemble à un vaste cratère d’impact ?
— Je n’y avais pas réfléchi, mais c’est vrai.
— Je ne dis pas que c’en est un, mais c’est possible. Et si Petitier a vraiment trouvé quelque chose ici, c’est peut-être pour cette raison. Pour les Minoens, le fer était sacré car, à l’époque, il n’était pratiquement issu que des météorites.
Iain étendit la jambe ; son pied effleura la cheville de Gaëlle. Elle s’écarta en se demandant s’il s’agissait d’un geste délibéré.
— Dans un chantier de fouilles, à Anemospilia, continua Iain, on a retrouvé le corps d’un jeune homme, sacrifié pour apaiser la colère des dieux. Apparemment, ça n’a pas marché, car le toit s’est effondré au milieu de la cérémonie et le prêtre a été tué, ainsi que ceux qui l’assistaient dans sa tâche. Eh bien, figurez-vous qu’il portait un anneau de fer. Le prêtre, je veux dire, pas ce pauvre type qu’il a sacrifié.
Il secoua
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