Le seigneur des Steppes
l’habitude de
victoires et de conquêtes faciles, de nouvelles terres découvertes chaque jour.
Cette halte prolongée aigrit les rapports entre les guerriers et les vieilles
rancunes avaient déjà provoqué des combats à l’arme blanche. On avait retrouvé
deux hommes et une femme poignardés sur la berge du lac et leurs meurtriers
restaient inconnus.
Les Mongols attendaient impatiemment que la ville soit
affamée. Gengis ne savait pas si les remparts de pierre protégeraient les
lourdes catapultes mais il avait besoin de tirer son peuple de l’oisiveté. Le
faire s’échiner le maintenait en forme et l’épuisait trop pour les
chamailleries. Les éclaireurs avaient trouvé une colline d’ardoise à moins d’une
journée de cheval de Yenking. Les guerriers taillaient la pierre avec l’enthousiasme
qu’ils mettaient à toute tâche, la brisaient avec des marteaux et des coins
puis hissaient les blocs sur des chariots. Les connaissances de Lian étaient
essentielles dans ce domaine et il ne quitta quasiment pas la carrière pendant
toutes ces semaines. Il montra ensuite aux guerriers comment faire tenir les
pierres ensemble avec une pâte de craie brûlée et les remparts montaient chaque
jour. Gengis avait perdu le compte des milliers de chariots qui passaient
lentement devant sa yourte, même si Temüge le notait avec soin sur leur
provision de parchemins pillés.
Les contrepoids conçus par Lian étaient des filets en corde
remplis de grosses pierres et suspendus aux bras des machines. Des hommes
avaient eu les mains écrasées pendant leur construction et avaient terriblement
souffert lorsque Kökötchu les avait amputés de leurs membres estropiés. Le
chamane avait frotté leurs gencives d’une pâte épaisse pour atténuer la douleur,
mais ils avaient quand même hurlé. Le travail se poursuivait, toujours observé
des murailles de Yenking. Gengis n’avait pu empêcher les Jin de déplacer leurs
arcs géants pour les positionner face aux machines mongoles. Des équipes de
gardes impériaux couverts de sueur y passaient d’aussi longues heures que les
guerriers mongols dans la plaine.
Des centaines d’hommes forts furent nécessaires pour faire
rouler les trébuchets jusqu’aux remparts construits devant Yenking. Sous la
neige, les Jin bandèrent sept grands arcs et tirèrent des poteaux à pointe de
fer qui frappèrent violemment les remparts. Les trébuchets ripostèrent par deux
gros rochers qui heurtèrent les murailles sans toucher les arcs.
Ramener en arrière les leviers des machines de Lian prit une
éternité pendant laquelle les arcs jin pilonnèrent les remparts. Avant que les
trébuchets soient prêts pour tirer une seconde fois sur la ville, des fissures
apparurent dans les défenses que les Mongols avaient édifiées. Leur destruction
fut ensuite rapide. À chaque nouveau coup, des pierres explosaient, criblant
Lian et ses hommes d’éclats. Beaucoup s’effondrèrent en portant les mains à
leur visage ou reculèrent en titubant sous les tirs incessants des Jin. Lian, indemne,
vit ses remparts s’écrouler, laissant ses machines sans protection.
Un moment, les Mongols purent croire que les trébuchets
eux-mêmes survivraient, mais trois autres projectiles jaillirent de la ville et
des guerriers moururent en tentant de mettre les machines hors de portée. Les
hommes qui, l’instant d’avant, poussaient et tiraient en criant ne furent
bientôt plus que des masses de chair sanguinolentes écrasées par le bois.
Rien ne put être sauvé. Gengis grondait en regardant les hommes
et les poutres fracassés. Il était assez près de Yenking pour entendre les cris
de joie qui montaient des murailles. Lian avait raison : sans protection, ils
ne pouvaient rivaliser avec la portée des armes de la ville et tout ce qu’ils
construiraient serait détruit. Gengis avait proposé de fabriquer de hautes
tours, peut-être bardées de plaques de fer, et de les faire rouler vers les
murailles mais les poteaux jin les perceraient comme les flèches mongoles
perçaient les armures. Et si ses forgerons rendaient les tours assez fortes
pour résister aux projectiles, elles seraient trop lourdes pour être déplacées.
C’était à rendre fou.
Gengis faisait les cent pas tandis que Süböteï envoyait des
guerriers courageux ramasser les blessés et les mettre hors de portée. Ses
hommes avaient cru qu’il prendrait Yenking comme il l’avait fait d’autres
villes. Que les extraordinaires
Weitere Kostenlose Bücher