Le spectre de la nouvelle lune
en plus un crime aux conséquences effroyables.
— Retire-toi à l’instant ! hurla l’homme en noir d’une voix stridente. Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi ! Je te préviens : je ferai ce que je dois faire et ce n’est pas toi qui me l’interdiras !
— Abaisse ce glaive et recule ! Par le sang Dieu, obéis ! Tu entends ? Obéis !
— Te voici de son côté, maintenant ? Irais-tu jusqu’à nous trahir ? M’empêcheras-tu d’envoyer en enfer ce Saxon maudit ?
— Assez ! Arrête, je te l’ordonne !
— Ah ! c’est ainsi ! cria Flaiel au comble de la colère.
Il se précipita vers Erwin pour lui porter un coup d’estoc à hauteur du cœur ; son arme atteignit non le Saxon mais l’homme en rouge qui s’était placé de manière à protéger le prisonnier. Amric porta ses deux mains à sa poitrine, poussa un cri, vomit du sang et s’affaissa lentement. Erwin qui se trouvait derrière lui parvint à saisir la poignée de son glaive et à le sortir du fourreau avant que Flaiel, surpris, ait pu se ressaisir. L’homme en rouge, le visage toujours recouvert de sa capuche, gisait à présent sans vie. Le missus dominicus et l’homme en noir se trouvèrent face à face, l’arme au poing.
Le comte Childebrand, en ce milieu de matinée, était d’humeur sombre. Les bandits, après la démarche de leur messager, loin de répondre à la mise en demeure qui leur avait été signifiée, n’avaient même pas renoué le contact. Childebrand s’interrogeait avec inquiétude sur les raisons de cette attitude. N’avait-il pas été trop cassant ? N’aurait-il pas dû gagner du temps, laisser espérer quelque arrangement ? Mais comment ne pas traiter avec la plus extrême rigueur des canailles qui avaient commis un forfait majeur, le rapt d’un envoyé de l’empereur ? En outre, le meilleur moyen de sauver Erwin n’était-il pas de les menacer du pire s’ils lui portaient atteinte ?
Le comte faisait les cent pas dans la clairière, où il avait établi son poste de commandement, en pestant et tempêtant, quand une estafette vint lui annoncer que des gardes en position sur la route menant à Saint-Genouph avaient observé une agitation suspecte à la porte nord du prieuré Sainte-Radegonde, comme si les assiégés préparaient une opération de ce côté-là. Cependant il pouvait s’agir d’une ruse, la sortie en force ayant lieu en un autre point. Pour parer à toute éventualité, Childebrand décida de regrouper le gros de ses effectifs de manière à disposer de réserves. Il maintint en place toutefois un rideau de troupes suffisant pour dissuader les bandits de s’enfuir par petits groupes comme certains l’avaient déjà tenté sans succès et aussi pour contenir un assaut jusqu’à l’arrivée de renforts.
Des éclaireurs lui apprirent alors que les assiégés avaient abandonné leurs positions avancées et se rassemblaient, sans doute en vue d’une attaque. Hermant reçut l’ordre de rapprocher le plus possible du prieuré l’essentiel de son dispositif de manière à raccourcir les délais d’intervention, quel que soit l’endroit où l’engagement décisif se produirait.
Il survint en définitive au nord, là où effectivement une agitation avait été constatée et où Childebrand avait pris, quand même, le maximum de précautions. La bande devait espérer gagner de ce côté-là des caches et des repaires dans la vallée de l’Indre.
Les attaquants se heurtèrent à une douzaine de gardes bien retranchés et qui, sous le commandement de Sauvat, verrouillaient la route de Saint-Genouph. Ceux-ci purent contenir l’assaut (sans empêcher cependant que quelques fuyards ne prennent le large) jusqu’à l’intervention, rapide, de la cavalerie lourde dont la charge était emmenée par Childebrand lui-même. Prenant à revers les bandits qui tentaient de faire une percée, elle tomba sur eux comme la foudre. Ces derniers essayèrent de résister, désespérément, à cette cohorte de colosses cuirassés et casqués, formidablement armés et manœuvrant avec l’efficacité de guerriers expérimentés, qui les taillaient en pièces : un massacre plus qu’un affrontement ! Cinq hommes seulement tombèrent vivants aux mains des Francs. Trois gardes impériaux avaient été tués parmi ceux que commandait Sauvat, lui-même très légèrement blessé.
Childebrand confia à un peloton le soin d’éviter tout pillage sur le champ de bataille, puis, accompagné par ses
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