Le Temple Noir
et douloureuse, bloquait sa gorge.
La Louve s’était levée et vint se mettre à côté de lui.
— Avant que je ne découpe le reste de sa main, voudrais-tu nous éclairer de tes lumières ?
Il releva la tête en direction de Fainsworth. Jamais, il n’avait autant haï un homme. Plus que la Louve, qui n’était qu’un instrument. Il lui ferait payer cette atrocité.
La voix blanche, Antoine balbutia :
— Le Carré Soleil, c’est la plaque rectangulaire du maillet. C’est pour cela qu’ils ont ajouté « Ici » dans le message. Arrachez cette plaque, il doit y avoir une autre indication derrière, plus précise.
— On va voir ça tout de suite, dit Fainsworth sur un ton impatient.
Il prit le maillet et sortit de la pièce. La Louve adressa un regard étonné à Marcas.
— Si c’est ça, félicitations. J’aurais tellement aimé continuer mon œuvre de chair sur ta copine.
— Tu paieras…
— Bien sûr…
L’aristocrate revint dans la pièce, triomphant. Il brandissait la plaque métallique.
— Magnifique, mon cher Marcas ! Il y a bien une inscription et qui nous mène droit à la cathédrale. Veux-tu que je te la lise ? lança le lord.
— Va te faire foutre ! Où est Gabrielle ? s’exclama Marcas.
— Je manque à tous mes devoirs, vraiment ! Mais vous allez être réunis à l’instant.
Fainsworth se tourna vers la Louve.
— Tue-les.
60
Comté de Tripoli
Fin novembre 1232
Le Légat aimait ce temps. Âpre, venteux, parsemé de flocons glacés. Depuis qu’ils avançaient à pied, le sommet des montagnes se couvrait de neige. Plus bas, dans la plaine, les champs d’oliviers ressemblaient à une armée morte, figée dans un linceul. Le sentier taillé à flanc de rocher devenait humide et glissant. Déjà un mulet avait chuté dans les gorges, son hurlement désespéré avait rebondi sur les parois. Bohémond le Borgne avait commandé de ralentir le pas et de désencorder les bêtes de somme. Il avait l’habitude de ce massif de pierre et de cèdres dans lequel il chassait régulièrement. Avec l’âge, la misanthropie lui était venue et il fuyait volontiers sa ville de Tripoli pour se perdre dans les recoins abrupts de la montagne. Malgré son œil éteint, un sourire traversa son visage. Il avait toujours haï les prêtres qui le lui avaient bien rendu. Il ne comptait plus le nombre de fois où l’autorité religieuse avait tenté de le renverser. La dernière fois, d’ailleurs, en tentant de le remplacer par son neveu. Le rebelle avait fini en prison où il était malencontreusement passé de vie à trépas, ce qui avait valu à Bohémond une excommunication. Mais comme ce n’était pas la première, il avait fêté ça par une nuit d’amour ardente avec sa femme adorée, la belle et voluptueuse Mélisande. À ce souvenir, son sourire s’élargit. À nouveau, il regarda le Légat qui avançait le visage impassible malgré le froid mordant. Si Bohémond détestait les culs-bénits, en revanche, il devait reconnaître que le Légat l’impressionnait de plus en plus. Enfin un homme de Dieu qui n’avait peur ni des hommes, ni du diable. Les Juifs venaient d’en faire l’expérience et ce ne serait pas les derniers. Le comte se pencha vers le Renard.
— Le chemin a été taillé dans le rocher pour le passage des caravanes. Un travail de titan réalisé avec des milliers d’esclaves. La plupart sont morts de froid et d’épuisement avant la fin du chantier. C’est pour ça que le sentier est demeuré si étroit.
Le brouillard montait du précipice. La visibilité n’était plus que de quelques pas. Bohémond rassura son hôte :
— Les guides sont des habitants des montagnes. Ils connaissent parfaitement le chemin.
— Ce sont des musulmans ?
Le comte de Tripoli dodelina du chef.
— Oui et non. Ce sont des Alaouites. Une sorte de secte. Ils se réclament du Prophète, mais sont persécutés par les autres fils d’Allah. Un avantage pour nous : ils détestent leurs coreligionnaires pire encore que les chrétiens. Des alliés sûrs et fidèles. C’est pour ça que j’ai construit un château sur leurs terres.
Le Légat hocha légèrement la tête. À Jérusalem, tout le monde connaissait la passion de Bohémond pour la construction. Une passion dévorante. Rien ne le rendait plus heureux que d’édifier un pont, une tour, un château. Il vivait, entouré d’une armée d’architectes, de maçons, de tailleurs de pierre,
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