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Le Temple Noir

Le Temple Noir

Titel: Le Temple Noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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mais les habitants, eux, n’allaient pas tarder à sortir. D’un bond, il se remit à courir droit devant lui. Il bouscula une vieille femme, renversa un mendiant, qu’importent les obstacles, Allah le guidait. Il franchit la borne de la ferronnerie et faillit tomber sur trois démons qui barraient le passage sur toute la largeur de la rue. Son cœur battait à tout rompre, ses pieds nus le brûlaient. Il obliqua dans une minuscule ruelle et tenta de se repérer ; il n’était plus dans le quartier des Syriaques, l’aspect des bâtisses avait changé. La richesse s’était estompée. Il se plaqua contre une porte en bois qui sentait le moisi et reprit son souffle. Il aurait dû écouter ce poltron de Khoubir mais c’était trop tard, il devait à tout prix trouver un refuge. La lune nimbait les maisons pauvres d’une blancheur spectrale. Il reconnut soudain le lieu et grimaça de dégoût.
    Dieu n’allait pas l’abandonner ici, Il allait lui envoyer un signe. C’était écrit. Soudain, il vit arriver deux démons de l’extrémité de la ruelle. Ils seraient bientôt sur lui et le tailleraient sans pitié. Un signe, rien qu’un signe.
    Un chien famélique surgit de nulle part, trottina devant lui. Il le suivit du regard et le vit gratter contre une porte.
    Un signe du Tout-Puissant. Enfin.
    Il essaya de reprendre ses esprits et se précipita de l’autre côté de la rue, à l’endroit où le chien gémissait. Si Allah ne l’abandonnait pas, il savait où aller.
     
    Le Devin tomba son masque. La fente trop étroite des yeux réduisait son champ de vision. Et il avait besoin d’une vue d’ensemble. Le galop des chevaux résonnait contre le mur. Ni les morts ni les vivants ne ralentissaient leur vitesse. Pareils à la tempête, les démons de Roncelin moissonnaient tout sur leur passage, écrasant les corps, tranchant les mains tendues, écrasant, éventrant, dans une odeur de viscères piétinés. Lentement, le Devin s’avança vers la muraille.
    Près de l’entrée, les écorcheurs achevaient les blessés au couteau. Des cris de colère éclataient déjà. Les hommes se disputaient les cadavres. Les femmes étaient les plus recherchées. On sectionnait les doigts, on tranchait les oreilles, plus tard on récupérerait bagues et boucles. D’autres soulevaient les morts mutilés et les jetaient dans les fossés pour dégager le passage. Dans un dernier fracas de sabots, les cavaliers fauchèrent les survivants qui tentaient de fuir. Un marchand, le visage fendu d’un trait d’estoc, s’effondra dans la poussière. Un des gardes de la ville tenta de brandir sa lance, un coup d’éperon lui déchira le ventre. Une clameur de victoire monta des combattants. Guillaume tomba à genoux et tendit les mains vers le Ciel pour remercier Dieu. Le Devin ramassa un arc et un carquois abandonnés et, sans être remarqué, se précipita dans la ville.
    Passant la grande porte, les archers de la compagnie avançaient en rang, tirant à flux tendu. Des vagues de flèches se succédaient, anéantissant toute vie sur leur course. Les derniers défenseurs tombaient en grappes, roulant sur le sol, le corps percé de part en part. Roncelin s’approcha de la ligne d’archers, roulant un tonneau qu’il releva et perça aussitôt. Une odeur d’huile rance flotta un instant.
    — Trempez vos flèches.
    Un à un les archers plongèrent la pointe et le bois dans l’huile noire.
    — Guillaume !
    Son compagnon s’avança et souleva sa cape. Une petite lanterne apparut accrochée à sa ceinture. Délicatement, il fit glisser une des parois de verre, et la flamme prit la couleur de l’or avant de se tordre sous la morsure du vent. Il fit signe au premier archer. En quelques instants, une ligne de feu se dessina dans la nuit. Roncelin saisit une flèche, glissa la corde dans l’encoche et tira. La pointe de feu se ficha dans l’avancée en bois d’une maison. Le Provençal se tourna en hurlant vers les archers :
    — Brûlez tout !
     
    La synagogue était invisible. Coincée entre deux échoppes, on n’y parvenait qu’en suivant une venelle qui serpentait entre des murs aveugles. Avant, il fallait franchir un lacis de ruelles qui n’avait rien à envier à un labyrinthe. À plusieurs reprises, les autorités avaient décidé la destruction de ce quartier réputé insalubre et dangereux. On rasait des maisons branlantes, on expulsait quelques familles, puis on oubliait et le quartier continuait d’exister,

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