Le Temple Noir
retourna, l’inspecta sous ses différents aspects et s’arrêta sur l’étrange message.
Il sourit.
— Les temps sont venus . Maintenant, tu vas parler et nous dire tout ce que tu sais.
Le Falcon 2000 prit son altitude de croisière. Les nuages s’étaient évanouis au fur et à mesure qu’il descendait vers le sud. Une lune montante éclairait les ondes sombres de l’océan Atlantique. Delgado enclencha le pilotage automatique et s’étira sur son siège. Les réacteurs étaient à pleine poussée, dans une demi-heure il serait à Dublin. Il prit son portable et consulta son agenda de contacts. Depuis le temps qu’il sillonnait le ciel, il s’était fait pas mal de relations un peu partout. Il n’avait pas encore de port féminin d’attache à Dublin, c’était le moment d’arranger ça. Deux jours de congé, un luxe dont il comptait bien abuser. Le plaisir avant tout, c’était sa devise. Dans le respect de Dieu et de Jésus, naturellement. Il passa son doigt sur le crucifix qu’il portait depuis sa première communion et adressa une petite prière au ciel.
Une fois dans la cabine, il s’octroya une coupe de champagne aux frais de la compagnie. Les clients n’avaient pas touché à la bouteille offerte, les crétins. Au moment d’ouvrir le frigo, il aperçut un sac de toile noir qui dépassait sous un siège. Curieux, il tira l’anse et ramena vers lui le bagage. Une fois ouvert, sa main indiscrète rencontra un objet inattendu, mais qu’il identifia tout de suite. Un avion modèle réduit en aluminium. Un super Guppy, le plus grand avion-cargo du monde. Comme un gamin, il fit tournoyer l’avion au-dessus de lui. Une diode verte s’alluma dans le minuscule cockpit. Fasciné, Delgado sourit. De vert, la diode passa au rouge.
Le Falcon 2000 se transforma en boule de feu incandescente au-dessus de l’Atlantique.
16
Al Kilhal
Jour de Toussaint 1232
Le Légat tomba sa cape et s’approcha de l’entrée de la ville. Un nuage de cendres montait des remparts. Le soleil ajoutait à la chaleur de l’incendie. Tout en marchant dans la terre poussiéreuse, il fixait du regard son escorte qui venait de neutraliser les pillards. Les cavaliers en armure n’avaient fait qu’une bouchée de la piétaille qui gisait au sol. Au fur et à mesure qu’il avançait, les cadavres devenaient plus nombreux, les mouches aussi. Il jetait un œil distrait sur les morts. Pour la plupart, la misère suintait de leurs visages. Traits rongés par l’alcool, bouche édentée, la mort achevait de dire leur destin. De pauvres diables, qui n’avaient vécu que de rapines minables, et dont Dieu avait définitivement purgé la face de la Terre.
Acculés contre un mur et tenus en respect par un rideau de lances, deux hommes se tenaient debout. À terre, un corps terminait de se vider. Le Légat ralentit. C’était incroyable tout ce qu’un ventre pouvait contenir. Il aperçut le dominicain qui se précipitait à sa rencontre :
— Monseigneur, ces misérables ont voulu me tuer.
Son doigt tremblait en direction de la muraille.
Le Légat ne répondit pas. Il observait des femmes, des musulmanes, tenues en laisse et qui tremblaient de peur et de honte. Au bout de la file, un homme voûté, à la barbe souillée, s’était agenouillé.
— Détachez-les.
— Monseigneur, reprit le dominicain, la voix sifflante, faites justice de ces pillards, de ces antéchrists, de ces…
D’un geste, le Légat le fit taire. Il s’avança vers le premier captif, un géant à la lèvre fendue.
— Ton nom ?
— Guillaume.
— Tu es le chef ?
Surpris, le molosse tourna la tête vers Roncelin. Le Renard lui sourit.
— Merci.
Le géant suait à grosses gouttes. Il fixait le troupeau des prisonnières délivrées. Certaines avaient été tuées. Leurs corps s’étalaient, parfois dans des poses obscènes.
— Attachez-le, ordonna le représentant du pape.
Deux gardes, une corde à la main, se précipitèrent. Le Renard se rapprocha du dernier captif.
— Alors, c’est toi le chef ?
Résigné, Roncelin hocha tête. Guillaume était solidement garrotté. Près de l’entrée, les otages hurlaient à la mort devant les cadavres de leurs compagnes d’infortune. Certaines se frappaient la poitrine à pleines mains, d’autres se lacéraient le visage. L’hystérie devenait collective.
Le Légat les fixa, puis se tourna vers les hommes qui entouraient Guillaume.
— Donnez-le-leur en
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