Le temps des adieux
l’extrémité des chaînes à un pilier. Ils éprouvèrent beaucoup de plaisir à m’informer qu’ils savaient que j’avais des complices quelque part dans la maison et qu’ils se feraient une joie de nous torturer tous ensemble un peu plus tard.
Là-dessus, ils se hâtèrent de sortir, et la torche s’éteignit après quelques grésillements.
Je me sentais désespéré. Et pourtant, je ne tardai pas à découvrir que je n’étais pas au bout de mes peines. J’avais rapidement perdu la notion du temps et j’étais incapable de dire depuis combien de temps je me trouvais ligoté dans l’obscurité, quand la porte se rouvrit. Tibullinus ne se donna pas la peine d’éclairer la pièce. Il y propulsa son captif qui s’étala de tout son long, lui donna quelques coups de pied pour faire bonne mesure, puis l’attacha à une colonne lui aussi.
Mon compagnon poussait des grognements furieux. Soit il souffrait des coups de pied qu’il venait de recevoir, soit ma compagnie ne lui plaisait pas.
Après quelques instants, il eut suffisamment récupéré pour parler.
— C’est la dernière fois ! éructa-t-il d’une voix rauque. C’est la dernière fois, Falco ! (Je laissai aller ma tête en arrière contre le pilier avec un énorme soupir.) La prochaine fois que je te saurai en danger, je resterai tranquillement chez moi à caresser mon chat.
— Merci, dis-je, avec toute l’humilité nécessaire pour l’énerver. Je suis très touché que tu te sois porté à mon secours. Mais si c’est pour finir ligoté toi aussi, tu aurais en effet dû rester à caresser ton chat. Mais merci quand même, Lucius Petronius, mon loyal ami.
61
Pas mal de temps s’écoula encore.
Quelque chose de grave se passait du côté de mes bras. Je le signalai à Petro. Il n’était pas aussi étroitement troussé que moi. Probablement parce qu’il avait été à moitié assommé en bas avant d’être transporté jusqu’ici. Il exprima ses sincères regrets puis me demanda ce que je croyais qu’il pourrait y faire.
Le temps continua de passer.
— Petro, où sont tes hommes ?
— Quels hommes ? Quand Helena Justina est venue me casser les pieds, je me suis précipité ici. Seul.
— Merveilleuse idée.
— Comment voulais-tu que j’amène des renforts ? Je suis censé avoir quitté Rome.
— Pourquoi es-tu resté ?
— Tu aurais voulu que je m’en aille après avoir appris dans quoi tu avais réussi à entraîner Martinus ? Tu veux sûrement plaisanter !
— Je suis content de te savoir près de moi, assurai-je chaudement.
— Va au diable ! dit-il, mais sur un ton amical.
Au bout d’un moment, j’ajoutai :
— J’ai appris la tentative faite contre toi.
— Une idiotie sans non.
— Balbinus est tout sauf un idiot. Il sait qu’il doit se méfier de toi.
— Tu as raison. J’aurais dû me méfier aussi davantage.
Petro accepta alors de discuter de la situation avec moi et du danger personnel qu’il courait. Il était content de pouvoir en parler avec quelqu’un capable de partager ses pensées et ses craintes. Silvia, sa femme, serait devenue hystérique, et le tribun Rubella pensait s’être montré suffisamment compatissant en l’expédiant en exil.
— Il y a eu cette fausse alerte au feu, rappela-t-il, et quelqu’un les a prévenus que j’allais travailler tard au poste.
— Tu as des soupçons ? demandai-je.
— Un membre de mon équipe, admit-il. Le même qui a trahi Linus, très certainement.
Il avait fini par admettre l’évidence.
— Tu sais qui ?
— J’ai de sérieux doutes, se contenta-t-il de préciser.
Puis nous restâmes silencieux un moment. Petro ne voulait pas en dire plus.
— Alors pourquoi travaillais-tu si tard ? Des rapports ?
— Non, pendant que tu joues à cache-cache avec Martinus, il faut bien que les autres travaillent ! C’est Rubella qui a voulu que je prenne connaissance des résultats obtenus par le comptable du temple de Saturne – celui qui s’occupe de la confiscation des biens de Balbinus.
— Tu as appris quelque chose d’intéressant ?
— Pas vraiment. Mais quelque chose d’assez drôle, oui. L’Académie de Platon fait partie de la dot de la fille, Milvia. Le vrai propriétaire est donc cette poule mouillée de Florius.
Nous trouvâmes la force de rire tous les deux.
Probablement le malheureux Florius n’en était-il pas conscient. En tout cas, il ne serait pas le premier membre de
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