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Le temps des illusions

Le temps des illusions

Titel: Le temps des illusions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Evelyne Lever
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boitant. Un soir, le roi, très assuré, a parcouru les lignes et les batteries tandis que les canons tiraient et que des « bombes » explosaient. Le 29, le fort a capitulé, le roi y est entré et la garnison est sortie avec armes et bagages. Le soir,Louis XV a présidé un somptueux dîner.
    Il est temps pour le souverain de songer au sacre qui scellera son alliance avec ses peuples et fera de lui le lieutenant de Dieu sur la terre. M. deFleury le prépare à cette solennité suprême qui l’élèvera au-dessus de tous ses sujets par l’effet de la grâce divine. Le roi s’est longuement renseigné sur l’histoire de la sainte ampoule apportée par une colombe pour le baptême de Clovis et qui contient le sang du christ coagulé que le cardinal-archevêque de Reims, Mgr deRohan, mêlera au saint chrême pour procéder aux onctions sur le front, la poitrine et les épaules de S.M.Louis XV étudie attentivement toutes les estampes représentant le sacre de ses prédécesseurs. À quelques détails près, on observera la même liturgie que pour Louis XIV. On ne connaît pas hélas les sentiments qu’éprouve le jeune roi.
    Le 16 octobre 1722, entouré par le Régent et les princes du sang, le roi quitte Versailles dans un carrosse garni d’un velours à ramage brodé de points d’Espagne au fil d’or. Il se rend tout d’abord à Paris, escorté par les gendarmes, chevau-légers, mousquetaires, gardes du corps et les officiers qui constituent le voldu cabinet 3 . Suit un important cortège de carrosses sur plusieurs lieues.
    Le lendemain, le monarque fait étape à Villers-Cotterêts dans le château des ducs d’Orléans, le surlendemain à Soissons à l’évêché, où il reçoit les harangues du clergé ; Fismes est la dernière halte avant Reims. Sur la route depuis Versailles, une foule énorme attend le passage de la suite royale, acclamant frénétiquement ce garçon au visage régulier, aux joues encore éclairées du rose de l’enfance et qui semble l’incarnation de l’Amour. Pas un instant il ne s’est départi de son sérieux sauf à Soissons, où – entorse au protocole – il s’est faufilé par la porte étroite d’un clocher ; il a grimpé quatre à quatre les marches menant aux cloches. « Gare les gras ! » s’esclaffait-il en riant, car seuls les plus jeunes et les plus sveltes de sa suite purent le suivre.
    Le 22 octobre, avant l’entrée dans Reims l’attend un impressionnant corps de troupe qui le précède dans la ville. Au milieu d’une foule dense, avide de voir son roi, le carrosse passe sous des arcs de triomphe célébrant le renouveau, l’abondance, l’innocence, la justice, la prudence, la vérité, la gloire et le triomphe de la paix. Arrivé au terme de son voyage, le roi pénètre dans la cathédrale tendue des plus belles tapisseries de la Couronne pour assister à un Te Deum . Le maître-autel est garni de drap d’argent galonné d’or brodé aux armes de France et de Navarre, le sol couvert de tapis et devant l’autel, sur une estrade couverte de drap semé de lis d’or brodés, sont disposés un prie-Dieu et un fauteuil surmontés d’un dais.
    La journée du 23 est consacrée à diverses réceptions ; le 24 sont célébrées messe et vêpres solennelles à la cathédrale. Enfin se lève l’aube du grand jour. Dès six heures, le clergé, les maréchaux, les ministres, les ambassadeurs, les conseillers d’État, les maîtres des requêtes et enfin les princes du sang prennent place dans des tenues toutes plus splendides les unes que les autres. On distingue les capes cardinalices au rouge profond, les capes violettes des évêques, les tuniques de drap d’or et le manteau ducal violet bordé d’hermine des pairs laïcs dont le chef est orné d’un bonnet de satin violet surmonté d’une couronne. Dans la tribune, on remarqueMadame, mère du Régent, en robe de cour, sa fille laduchesse de Lorraine ainsi que plusieurs autres dames richement parées. Il ne manque plus que le héros. Comme le veut la coutume, deux évêques se rendent jusqu’à la chambre du roi à l’archevêché.
    Le chantre frappe à la porte de son bâton d’argent.
    « Que demandez-vous ?, demande le grand chambellan.
    – Louis XV, dit l’évêque de Laon.
    – Le roi dort », répond le grand chambellan.
    L’évêque répète la même demande et s’attire la même réponse.
    La troisième fois l’évêque précise sa réponse : « Louis XV que Dieu

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