Le Tombeau De Jésus
boue avait eu le temps de sécher et de se compacter, et un mince dépôt de silt s’était formé à la surface du sol, dépôt constitué principalement de fragments de craie recouvert d’une mince couche de cristaux d’apatite microscopiques. Chaque nouvelle coulée de boue avait recouvert la couche précédente, qui était d’une texture différente. De la sorte, les couches successives étaient aisément discernables, même à l’œil nu. Elles étaient aussi discrètes que celles d’un millefeuille. En outre, comme pour un millefeuille entamé, si quelqu’un avait creusé à travers les couches de terra rossa au cours des trois derniers jours pour y ensevelir quelque chose, les trous, une fois comblés, se seraient distingués de la séquence comme un signal d’alarme archéologique. En coupe transversale, les trois crânes auraient alors été découverts au fond de trois puits, remplis d’une terre qui, à l’inverse de la « structure en millefeuille » séculaire, n’aurait présenté aucune superposition de couches. Or aucune anomalie de ce type n’apparaissait ni autour ni au-dessous des crânes.
Jusqu’ici, les tranchées de Gat n’avaient révélé aucun os pelvien, aucun fémur ou autre reste de grande dimension à côté des crânes, et, au cours des trois jours suivants, l’excavation et le tamisage du sol ne permirent de découvrir que des os de doigts désarticulés et autres petits fragments. Gibson avait à présent acquis la conviction qu’une cérémonie avait eu lieu ici, impliquant la disposition intentionnelle des trois crânes dans la salle centrale du tombeau. Ils formaient un triangle isocèle presque parfait, dont la base était orientée vers le mont du Temple. Or les juifs du I er siècle ne procédaient pas ainsi. S’il s’agissait réellement d’une disposition rituelle de restes humains, de quelle sorte de cérémonie s’agissait-il ?
Shimon examina deux ossuaires encore placés dans leur niche puis observa la salle. Pour la première fois depuis près de deux mille ans, IAA 80/500-509 recevait la visite d’êtres humains. Il s’interrogeait encore sur l’énigme du triangle de crânes quand Gat lui rappela qu’il n’y avait pas de temps à perdre et qu’ils devaient commencer à photographier, à dessiner les ossuaires et à procéder au relevé des plans.
Mystérieusement, après avoir été répertorié, l’un des dix ossuaires disparut avant d’avoir pu être photographié et étudié de près.
Tandis que les coffres de calcaire étaient soigneusement entourés de bandes de tissu pour éviter d’être endommagés, puis remontés l’un après l’autre jusque dans la cour, Amos Kloner parvint à une première conclusion. Selon lui, quelle que fût la signification du triangle de crânes ou du symbole sur la façade du tombeau, les objets dans les niches étaient « typiquement des ossuaires juifs du I er siècle ». Cependant, comme le révéla un léger brossage, six ossuaires sur les dix comportaient des inscriptions précisant le nom de leurs propriétaires. C’était là un pourcentage exceptionnellement élevé, comparé à la moyenne des autres sépultures, dont les occupants étaient pour la plupart anonymes.
Quelle que soit son origine, la coutume des ossuaires en calcaire a fourni aux archéologues un système de datation aussi précis qu’une pièce de monnaie portant le nom d’un empereur. La loi juive stipule qu’une personne décédée doit être inhumée dans la terre. A Jérusalem, toutefois, où le sol est dans la plupart des cas constitué de roche sous une mince couche de terre, une dispense spéciale fut accordée vers l’an 4 av. J. -C. : une sépulture provisoire dans une grotte ou dans une niche creusée dans le roc était désormais considérée comme une inhumation en terre. Au temps de Jésus et des apôtres, vers l’année 30 de notre ère, le cadavre, selon une tradition nouvelle, était enveloppé d’un vêtement de lin et placé dans un arcosolium , ou couche mortuaire de pierre, à l’intérieur d’une grotte creusée dans le roc. Après décomposition du cadavre, les os étaient placés dans un coffret en pierre calcaire, l’ossuaire, lequel était à son tour enfermé dans un kokb, une cavité creusée perpendiculairement à la paroi de la salle, à peine plus grande que l’ossuaire lui-même. La destruction de Jérusalem en 70 a mis un terme brutal à la coutume de l’ossuaire avant qu’elle ne
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