Le Tombeau De Jésus
aussi.
Et c’est alors que je vis une paire de tephillin dans le faisceau de la lampe torche.
Les tephillin , ou phylactères, sont des bandelettes de parchemin sur lesquelles sont calligraphiés des versets de la Torah ; ils sont enfermés dans de petits cubes de cuir, placés au bout de bandes de cuir que les juifs portent à leur front et à leur bras pendant la prière du matin. L’acte de se lier avec les tephillin rappelle au juif qu’il doit être « attaché au service de Dieu, par son cœur, son esprit et sa force ». Les tephillin sont appelés totaphot dans le Livre de l’Exode – probablement un mot d’origine égyptienne. Les plus anciens spécimens ont été retrouvés dans la forteresse de Massada, sur les bords de la mer Morte, le dernier bastion de la résistance juive contre le Romains, qui tomba environ quarante ans après la crucifixion de Jésus.
— Félix, il y a des tephillin ici, dis-je.
— Anciens ? demanda-t-il.
— Non, modernes.
— Que font-ils donc ici ?
Je regardai autour de moi et compris soudain de quoi il s’agissait :
— C’est une guenizah !
Une guenizah est un espace de la synagogue réservé à la conservation des textes sacrés – par exemple des livres de prière – endommagés et donc inaptes à l’usage liturgique. Ces textes doivent être inhumés comme des êtres humains. La guenizah est donc une sorte de chambre funéraire pour les textes sacrés. Les autorités rabbiniques ont du mal à trouver de la place pour conserver leurs textes endommagés. En 1980, des rabbins, en apprenant que l’AAI avait abandonné une chambre funéraire vide, ont dû transformer la sépulture en guenizah, puis la sceller avec l’aide d’habitants du quartier, inquiets de voir leurs enfants risquer de se blesser en jouant dans le tombeau. Les « cadavres » que j’avais cru voir dans les kokhim étaient des sacs de toile remplis d’écrits sacrés en voie de décomposition.
À ce moment-là, alors que je me trouvais au milieu de piles de textes qui s’écroulaient au moindre contact, je réalisai que je tenais entre mes mains un exemplaire endommagé du Livre de Jonas. C’était l’un des textes ensevelis vingt-six ans auparavant par les religieux dans leur nouvelle guenizah. Ironie de la situation, dans l’une de ses paraboles, Jésus avait dit à ses disciples que le seul indice qu’il leur laisserait concernant sa mission sur terre serait le « signe du prophète Jonas ». Les théologiens chrétiens ont toujours interprété cette parabole ainsi : tout comme Jonas avait passé trois jours dans le ventre de la baleine, Jésus prédisait qu’il passerait trois jours dans le « ventre » du tombeau, avant de ressusciter. J’avais étudié ce passage de Luc parce qu’il me semblait que Jésus suivait l’exemple de Jonas en s’embarquant pour le mystérieux « pays des géraséniens ». Ce fut un voyage fatidique, décrit dans l’Évangile de Matthieu, au cours duquel Jésus apaisa une grande tempête, et où, dans la nécropole de Gérasée, il exorcisa deux hommes habités par des démons, qu’il fit entrer dans un troupeau de pourceaux (Matthieu 13, 53 ; 8, 24-27 ; Marc 4, 35-41 ; Luc 8, 22-25). C’était un tombeau, j’avais poursuivi des recherches sur cette métaphore. À présent, je rampais au-dessus d’une demi-douzaine de Livres de Jonas, dans le ventre de ce qui était vraisemblablement le tombeau de Jésus.
J’appelai le Dr Gibson pour lui demander s’il pouvait venir immédiatement à Talpiot, en lui indiquant seulement que le tombeau ne se trouvait pas sous le patio des Mizrahi. Alors que nous filmions le caveau en attendant le retour de Gibson sur le site qu’il avait fouillé autrefois, c’était la panique au-dessus de la grotte funéraire. Les habitants d’un bâtiment voisin avaient appelé la police. Je montai quatre à quatre les marches en fer rouillé et tombai face à une foule d’habitants en colère, dont l’un essayait de débrancher nos câbles électriques.
— Qu’est-ce que vous foutez donc ici ? cria l’arracheur de câbles.
— Un film, répondis-je, et vous feriez mieux de ne pas toucher à notre matériel.
— Vous osez me menacer ? J’ai appelé la police et je vais porter plainte pour violation et déprédation d’une propriété privée, dit-il en s’acharnant sur les câbles qui alimentaient les projecteurs que nous venions d’installer dans le tombeau.
— Si vous
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