Le Troisième Reich, T1

Halifax.

LA FATALE DECISION
DU 5 NOVEMBRE 1937
    Le 24 juin 1937, le maréchal von Blomberg avait
donné aux commandants en chef des trois armes des indications sur les
événements à venir et sur les préparatifs nécessaires pour y faire face, dans
une directive portant l'indication « ultra-secret », établie à quatre
exemplaires seulement (47) : « La situation politique en général, déclarait aux
chefs des trois armes le ministre de la Guerre, commandant en chef des Forces
armées, justifie la supposition selon laquelle l'Allemagne n'a aucune attaque à
redouter, de quelque côté que ce soit. » Ni les puissances occidentales, ni la
Russie, ajoutait-il, ne désiraient la guerre et elles n'y étaient d'ailleurs
pas préparées.
    « Néanmoins, poursuivait cette directive, la situation mondiale,
politiquement instable, qui n'exclut, pas des incidents imprévus, oblige les
forces armées allemandes à poursuivre sans répit leur préparation à la guerre,
afin de rendre possible l'exploitation militaire d'occasions politiques
favorables, au cas où il en surviendrait. Les préparatifs des forces armées en
vue d'une guerre possible, au cours de la période de mobilisation 1937-1938,
doivent être poursuivis dans cet esprit. »
    Quelle était donc cette guerre possible, puisque l'Allemagne
n'avait à redouter aucune attaque « de quelque côté que ce soit »? Blomberg le précisait : Deux éventualités ( Kriegsfalle )
pouvaient se présenter, « en vue desquelles, disait-il, des plans sont
actuellement établis ».
    1° La guerre sur deux fronts, les combats les plus
importants ayant lieu à l'Ouest (Concentration stratégique rouge).
    2° La guerre sur deux fronts, les combats les plus
importants ayant lieu dans le Sud-Est. (Concentration stratégique verte.)
    Dans le premier cas on « supposait » que les Français pourraient
lancer contre l'Allemagne une attaque par surprise, ce qui obligerait les
Allemands à employer le gros de leurs forces à l'ouest [78] .
    Quant à la seconde éventualité :
    La guerre à l'Est peut débuter par une attaque allemande
par surprise dirigée contre la Tchécoslovaquie, afin de parer l'attaque
imminente d'une coalition ennemie supérieure en nombre. Les conditions
nécessaires pour justifier une telle action, politiquement et au regard de la
loi internationale, devront être créées à l'avance (c'est Blomberg qui
souligne).
    La directive précisait que la Tchécoslovaquie devait être «
éliminée dès le début » et occupée.
    Trois autres cas, exigeant des « préparatifs spéciaux », étaient
encore prévus :
    I. Intervention armée contre l'Autriche (cas particulier
Otto).
    II. Complications armées avec l'Espagne rouge (cas
particulier Richard).
    III. L'Angleterre, la Pologne et la Lithuanie prennent part
à une guerre contre nous. (Extension de rouge-vert.)
    Nous retrouverons assez fréquemment au cours de cet ouvrage le
nom de code « Otto ». Il désignait Otto de Habsbourg, le jeune prétendant au
trône d'Autriche, qui vivait alors en Belgique. Dans la directive donnée par
Blomberg pour le mois de juin, le cas Otto était ainsi résumé :
    L'objet de cette opération, c'est-à-dire l'intervention en
Autriche au cas où la monarchie y serait restaurée, consiste à contraindre
l'Autriche, par la force, à renoncer à cette restauration.
    A cet effet, mettant à profit les dissensions politiques
internes du peuple autrichien, nous marcherons sur Vienne et toute résistance
sera brisée.
    Une note de réserve prudente, presque désespérée, s'est glissée
à la fin de ce document révélateur. Les Allemands ne se font aucune illusion au
sujet de la Grande-Bretagne : « L'Angleterre emploiera contre nous toutes ses
ressources disponibles, tant économiques que militaires. » Si elle venait à se
joindre à la Pologne et à la Lithuanie, avouait la directive, « notre situation
militaire s'en trouverait aggravée, au point de devenir intenable, presque
désespérée. Les chefs politiques devront donc tout mettre en œuvre pour que ces
divers pays restent neutres, surtout l'Angleterre ».
    Bien que cette directive portât la signature de Blomberg, elle émanait évidemment de son maître, le chancelier du Reich. Au cours de l'après-midi du 5 novembre 1937, on vit arriver dans ce
centre nerveux du Troisième Reich, situé dans la Wilhelmstrasse, six personnages venus pour y recevoir des
éclaircissements de la bouche du Führer. C'était le
feld-maréchal von