Le Troisième Reich, T1
durs et impitoyables. Blindez-vous contre tout signe de
compassion.... Tous ceux qui ont médité sur l'ordre de ce monde savent que
celui-ci ne trouve son sens que dans le succès de ceux qui savent le mieux
utiliser leur force...
Ayant ainsi tonné ces exhortations dignes de Nietzsche, le
Führer, qui s'était haussé à un paroxysme de fureur teutonique, se calma pour
donner quelques directives sur la future campagne. La rapidité était
essentielle. Il avait « une foi inébranlable » dans le soldat allemand. Si des
crises se produisaient jamais, elles auraient pour cause l'absence de
sang-froid du commandement. Le premier objectif était d'enfoncer des coins
partout, du sud-est à la Vistule, et du nord jusqu'à la Narev et la Vistule.
Les opérations militaires, insista-t-il, ne devaient pas être influencées par
le sort qu'il réservait à la Pologne après sa défaite. Sur ce point, il resta
dans le vague. La nouvelle frontière allemande, dit-il, serait tracée d'après
de « bons principes ». Peut-être créerait-il un petit État-tampon polonais
entre l'Allemagne et la Russie.
L'ordre d'ouvrir les hostilités, conclut-il, serait donné
ultérieurement, sans doute le samedi matin 26 août.
Le lendemain 23 août, après une réunion des dirigeants de
l'O.K.W., le général Halder nota dans son journal : « Jour J définitivement
fixé pour le 26 (samedi). »
ECHEC ALLIE A MOSCOU
A la mi-août, les conversations militaires de Moscou entre les
démocraties occidentales et l'Union Soviétique en étaient virtuellement
arrivées au point mort — échec dont l'intransigeance des Polonais était pour
une grande part responsable. Les missions militaires anglo-françaises, on s'en
souvient, après avoir pris un bateau peu rapide à destination de Leningrad,
étaient arrivées à Moscou le 11 août, exactement une semaine après que
l'infortuné M. Strang eut quitté la capitale soviétique, visiblement soulagé de
transmettre aux généraux et aux amiraux la tâche déplaisante et ardue de
négocier avec les Russes [201] .
Il convenait désormais d'élaborer précipitamment une alliance
militaire qui définirait en détail où, comment et avec quoi exactement
affronter les armées nazies. Mais, ainsi que le révèlent les procès-verbaux
confidentiels des négociateurs britanniques (29), la mission militaire
anglo-française avait été envoyée à Moscou pour discuter de « principes
généraux » plutôt que de détails.
Les Russes, toutefois, insistèrent pour aborder immédiatement
les faits brutaux, spécifiques et — aux yeux des Anglais — embarrassants,
tandis que Vorochilov avait répondu à la déclaration de principes alliée que «
celle-ci était trop abstraite et trop vague et n'obligeait personne à faire
quoi que ce fût. Nous ne sommes pas ici, déclara-t-il d'un ton froid, pour
faire des déclarations abstraites, mais pour mettre au point une alliance
militaire complète ».
Le maréchal soviétique posa quelques questions très positives :
existait-il un traité qui définisse les mesures que prendrait la Pologne?
Combien de divisions britanniques pourraient venir renforcer l'armée française
dès la déclaration de guerre? Les réponses qu'il obtint ne furent pas très
rassurantes. Doumenc déclara qu'il ignorait les plans polonais. Le général
Heywood répondit que les Anglais « envisageaient un premier contingent de 16
divisions ».
Prié par Vorochilov de révéler quel était le nombre de divisions
dont les Anglais disposeraient au début des hostilités, il répliqua : « Pour le
moment, il y a en Grande-Bretagne 5 divisions régulières et une division
motorisée. » Ces chiffres misérables surprirent désagréablement les Russes, qui
eux étaient prêts, dirent-ils, à déployer sitôt le début des hostilités 120
divisions d'infanterie contre un agresseur venant de l'Ouest.
Pour ce qui était de la Belgique, le général Doumenc répondit à
la question des Russes en disant que « les troupes françaises ne pouvaient y
pénétrer que si on le leur demandait et quand on le leur demanderait, mais que
la France était prête à répondre à tout appel ».
Réponse qui confronta les négociateurs militaires à Moscou avec
la question cruciale que les Anglais et les Français avaient toujours voulu
éviter. Au cours de la première séance et une fois encore lors de la session
critique du 14 août, le maréchal Vorochilov avait souligné que la question
essentielle était
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