Le Troisième Reich, T2
présent, dit-il, les attaques aériennes ont eu un effet
formidable, mais peut-être surtout sur les nerfs. Même si la victoire dans les
airs ne peut être remportée que dans dix ou douze jours, les Anglais peuvent
cependant être atteints d’hystérie collective. »
Pour favoriser ce phénomène nerveux, Jeschonnek, chef d’état-major
de l’aviation, demanda la permission de bombarder les quartiers résidentiels de
Londres, puisque, dit-il, on n’aurait aucun indice de « panique générale »
à Londres tant que ces zones seraient épargnées. L’amiral Raeder appuya avec
enthousiasme cette idée de bombardement terroriste. Hitler, cependant, pensait
que la concentration sur des objectifs militaires était plus importante.
« Les bombardements en vue de provoquer une panique massive, dit-il, doivent
être réservés pour la fin. »
La faveur de l’amiral Raeder pour un bombardement terroriste
semble imputable surtout à son manque d’enthousiasme pour les débarquements. Il
insista encore sur les « grands risques » courus. La situation dans
les airs, souligna-t-il, pouvait difficilement s’améliorer avant les dates
projetées pour le débarquement, 24-27 septembre ; ces dates devaient
donc être repoussées « jusqu’au 8 ou 24 octobre ».
Mais cela revenait pratiquement à abandonner l’invasion, et
Hitler le comprit ; il déclara qu’il ne réserverait sa décision sur les
débarquements que jusqu’au 17 septembre (trois jours plus tard) de façon
qu’ils puissent toujours être effectués le 27 septembre. Si c’était alors
impossible, il envisagerait octobre. En conclusion, une directive du
Commandement Suprême fut rédigée :
Berlin 14 septembre 1940
Ultra-secret.
… Le Führer a décidé :
Le déclenchement de l’opération Otarie est encore retardé. Un
nouvel ordre suivra le 17 septembre. Tous les préparatifs doivent être
poursuivis.
Les attaques aériennes sur Londres doivent continuer et la
zone des objectifs doit être étendue aux dispositifs militaires et autres
installations vitales (par exemple les gares).
Les attaques terroristes contre les zones purement
résidentielles sont réservées comme ultime moyen de pression (26).
Ainsi, bien qu’Hitler eût retardé de trois jours la décision
concernant l’invasion, il n’y avait en aucune façon renoncé : donnons
encore quelques jours à la Luftwaffe pour en finir avec la
R. A. F. et démoraliser Londres, et le débarquement pourrait avoir lieu. Il
apporterait la victoire finale. Encore une fois, tout dépendait de l’aviation
tant vantée de Gœring. Elle livrerait en fait son suprême effort le lendemain
même.
L’opinion de la marine sur la Luftwaffe, toutefois,
était d’heure en heure plus mauvaise. Le soir de la conférence cruciale à
Berlin, l’état-major de la marine rendit compte de violents bombardements des
ports d’invasion, d’Anvers à Boulogne, par la R. A. F.
… A Anvers… des pertes considérables sont infligées aux
transports – cinq transports à vapeur sérieusement endommagés au port ; un
chaland coulé, deux grues détruites, un train de munitions sauté, plusieurs
hangars en flammes.
La nuit suivante fut pire, la marine annonçant de « puissantes
attaques aériennes ennemies sur toute la zone côtière entre Le Havre et Anvers ».
Les marins envoyèrent un S. O. S., demandant de renforcer la protection
antiaérienne dans les ports d’invasion. Le 17 septembre, l’état-major de
la marine annonçait :
La R. A. F. n’est toujours pas défaite ; au contraire,
elle montre une activité croissante dans ses attaques sur les ports de la
Manche et entrave de plus en plus les mouvements de regroupement (27) [82] .
Cette nuit-là, la lune était pleine et les bombardiers de nuit
anglais en profitèrent. L’état-major de la marine allemande annonça « des
pertes considérables » de bateaux qui à présent obstruaient les ports d’invasion.
A Dunkerque, 84 chalands avaient été coulés ou
endommagés, et de Cherbourg au Helder, la marine annonça, parmi d’autres
chiffres déprimants : un dépôt de munitions de 500 tonnes détruit, un
dépôt de vivres incendié, divers vapeurs et torpilleurs coulés et de nombreuses
pertes dans les équipages. Ce sévère bombardement, plus les tirs des canons
lourds de l’autre côté de la Manche, rendait nécessaire, déclarait l’état-major
de la marine, la dispersion des navires de guerre et de
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