Le Troisième Reich, T2
transports déjà
concentrés sur la Manche, et l’arrêt de tout mouvement de bateaux dans les
ports d’invasion.
Autrement (disait-il), étant donné l’énergique action de l’ennemi,
nous subirons à l’avenir des pertes telles que l’exécution de l’opération à l’échelle
préalablement envisagée deviendra en tout cas problématique (28).
Elle l’était déjà.
Dans le Journal de guerre de la marine allemande on trouvait une
note laconique du 17 septembre :
L’aviation ennemie n’est toujours pas battue, en aucune
façon. Au contraire, elle montre une activité croissante. Dans l’ensemble, les
conditions atmosphériques ne nous permettent pas d’espérer une période de calme… Le Führer décide donc de retarder « Otarie » indéfiniment (29).
C’est la marine
qui souligne.
Adolf Hitler, après tant d’années d’étourdissants succès, avait
à la fin rencontré un échec. Pendant près d’un mois, on persista à prétendre
que l’invasion pourrait toujours avoir lieu en automne, mais c’étaient des
paroles en l’air. Le 19 septembre, le Führer ordonna formellement d’arrêter
le regroupement de la flotte d’invasion et de disperser les bateaux se trouvant
dans les ports, « de façon que la réduction de la zone de navigation
causée par les attaques aériennes de l’ennemi soit limitée au minimum ».
Mais il était impossible de maintenir une Armada, même dispersée,
et la concentration des troupes, canons, chars et ravitaillement groupés pour
traverser la Manche en vue d’une invasion qui avait été sans cesse retardée.
« Cet état de choses, notait Halder dans son journal du 28 septembre,
qui fait traîner en longueur l’exécution d’ « Otarie », est
insupportable. » Quand Ciano et Mussolini rencontrèrent le Führer sur le Brenner, le 4 octobre, le ministre
italien des Affaires étrangères nota dans son journal : « On ne parle
plus d’un débarquement dans les Iles Britanniques. » L’échec d’Hitler mit
Mussolini d’excellente humeur, ce qui ne s’était pas produit depuis bien
longtemps. « J’ai rarement vu le Duce d’aussi bonne humeur qu’au col du
Brenner aujourd’hui », nota Ciano (30).
Déjà la marine et l’armée pressaient le Führer de prendre la décision d’annuler tout à fait « Otarie ».
L’état-major de l’armée lui remontra que le maintien des troupes sur la Manche « sous
de constantes attaques aériennes des Anglais menait à des pertes continuelles ».
Finalement, le 12 octobre, le Seigneur de la Guerre admit l’échec
et remit l’invasion au printemps prochain. Une directive formelle fut donnée :
Q. G. du Führer 12 octobre
1940
Ultra-secret.
Le Führer a décidé qu’à partir de maintenant et jusqu’au
printemps, les préparatifs pour « Otarie » seront poursuivis
uniquement dans le but de maintenir une pression politique et militaire sur l’Angleterre.
Si l’invasion devait être à nouveau envisagée au printemps
ou au début de l’été 1941, des ordres pour la reprise de préparatifs
opérationnels seraient donnés plus tard…
L’armée reçut l’ordre de libérer les formations d’« Otarie »
« pour d’autres services ou pour leur emploi sur d’autres fronts ». La
marine fut chargée de « prendre toutes mesures pour libérer le personnel
et la zone de navigation ». Mais les deux armes devaient camoufler leurs
mouvements. « Les Anglais, déclara Hitler, doivent continuer à croire que
nous préparons une attaque sur un large front (31). »
Qu’était-il arrivé pour qu’Hitler eût finalement renoncé ?
Deux choses : le déroulement fatal de la bataille d’Angleterre
dans les airs, et l’orientation de ses pensées, une fois de plus, vers l’Est, vers
la Russie.
LA BATAILLE D’ANGLETERRE
La grande offensive aérienne de Gœring contre l’Angleterre, l’opération
« Aigle » ( Adlerangriffe ), avait été lancée le 15 août. Son
objectif : chasser des cieux la R. A. F. et réaliser ainsi l’une des
conditions dont l’invasion dépendait. Le gros Reichsmarschall ne doutait pas de
la victoire. A la mi-juillet, il était sûr que la chasse qui défendait le sud
de l’Angleterre serait écrasée en quatre jours par un assaut à outrance, victoire
qui ouvrirait la voie à l’invasion. Détruire complètement la R. A. F. prendrait
un peu plus de temps, dit Gœring au haut commandement de l’armée (32) : trois
à
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