Le Troisième Reich, T2
Bay, afin de raccourcir le front.
Ce n’était
pas suffisant pour les amiraux, et leur prudence et leur obstination
commençaient à agir sur l’O. K. W. Le 13 août, Jodl rédigea une « appréciation »
de la situation, posant cinq conditions pour la réussite d’ « Otarie »,
qui auraient dû paraître presque comiques aux généraux et aux amiraux si leur
problème n’avait pas été aussi grave. Premièrement, disait-il, la marine
britannique devait être éliminée de la côte sud, en second lieu, la R. A. F. devait
être éliminée du ciel britannique.
Les autres
conditions se rapportaient au débarquement des troupes en force et avec une
rapidité qui dépassait nettement les moyens de la marine. Si ces conditions n’étaient
pas remplies, il considérait le débarquement comme « un acte de désespoir
qui pourrait être accompli dans une situation désespérée, mais que nous n’avons
aucune raison de tenter à présent (17) ».
Si les
craintes de la marine gagnaient Jodl, les hésitations du chef des opérations de
l’O. K. W., elles, gagnaient Hitler. Pendant toute la guerre, le Führer se reposa bien plus sur Jodl que
sur le chef de l’O. K. W., le mou et mélancolique Keitel. Il n’est donc pas
étonnant que le 13 août, quand Raeder vit le commandant suprême à Berlin
et demanda une décision (large front ou front réduit), Hitler inclina à être d’accord
avec la marine pour la plus modeste des deux opérations. Il promit de prendre
une décision définitive le lendemain, après avoir vu le commandant en chef de l’armée.
(18)
A la suite d’un
entretien avec Brauchitsch, le 14, Hitler se décida finalement, et le 16 une
directive de l’O. K. W. signée par Keitel déclarait que le Führer avait décidé d’abandonner le
débarquement à Lyme Bay, qui incombait à
la VIe armée de Reichenau. Les préparatifs de
débarquement sur un front plus étroit, pour le 15 septembre, devaient être
poursuivis, mais pour la première fois les
doutes du Führer apparaissaient dans
une directive secrète qui ajoutait : « Les ordres définitifs ne
seront pas donnés avant que la situation soit éclaircie. » Le nouvel ordre,
cependant, ressemblait à un compromis. Car une autre directive du même jour
élargissait le front limité :
Traversée principale doit être faite sur front réduit. Débarquement
simultané de 4 à 5 000 hommes à Brighton par vedettes à moteur et le même
nombre de troupes aéroportées à Deal-Ramsgate. En plus, au jour J moins 1, la
Lutfwaffe devra procéder à une violente attaque sur Londres, qui chassera la
population de la ville et embouteillera les routes (19).
Bien qu’Halder, le 23 août, eût griffonné en sténo dans son
journal que « sur cette base, une attaque n’a aucune chance de succès
cette année », une directive du 27 août, signée par Keitel, exposait
les plans définitifs de débarquement dans les quatre zones principales de la
côte sud, entre Folkestone et Selsey Bill, à l’est de Portsmouth, avec pour
premier objectif, comme précédemment, une ligne qui allait de Portsmouth à la
Tamise à l’est de Londres jusqu’à Gravesend ; cet objectif devait être
atteint dès que les points de débarquement auraient été reliés et organisés et
que les troupes pourraient foncer au nord.
En même temps, ordre était donné de se tenir prêt à exécuter
certaines manœuvres de diversion, dont la principale était « Voyage d’automne ».
Il s’agissait d’une feinte sur une grande échelle contre la côte orientale
anglaise où, comme on l’a dit, Churchill et ses conseillers militaires s’attendaient
à subir le choc principal de l’invasion. Dans ce but, 4 grands paquebots, dont
les 2 plus grands de l’Allemagne, l’ Europa et le Bremen , et 10 transports supplémentaires, escortés
par 4 croiseurs, devaient partir des ports sud de la Norvège et de l’Heligoland
le jour J moins 2 et mettre le cap sur la côte anglaise entre Aberdeen et
Newcastle. Les navires seraient vides, toute l’expédition reviendrait à la
tombée de la nuit et répéterait la manœuvre le lendemain (20).
Le 20 août, Brauchitsch donna une longue série d’instructions
pour les débarquements, mais les généraux qui les reçurent devaient se demander
si leur chef avait maintenant l’entreprise à cœur. Il les avait intitulées « Instructions
pour la Préparation de l’Opération Otarie ». C’était un peu tard,
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