Le Troisième Reich, T2
capitaux de la première grande bataille aérienne.
La chasse anglaise subissait des pertes en l’air et au sol qu’elle
ne pouvait soutenir longtemps ; c’est alors – le 7 septembre – que la
Luftwaffe transforma ses attaques en bombardements massifs, de nuit, sur
Londres. Un répit béni pour les chasseurs de la R. A. F. !
Que s’était-il passé, dans le camp allemand, qui avait provoqué
ce changement de tactique fatal aux ambitions d’Hitler et de Gœring ? La
réponse est pleine d’ironie.
Pour commencer, dans la nuit du 23 août, les pilotes d’une
douzaine de bombardiers allemands firent une minime erreur de navigation. Ayant
reçu l’ordre de lancer leurs bombes sur des usines d’aviation et des réservoirs
de pétrole dans les faubourgs de Londres, ils manquèrent leur but et jetèrent
leurs bombes sur le centre de la capitale, détruisant des maisons et tuant des
civils. Les Anglais crurent à une action délibérée et bombardèrent Berlin, en
représailles, la nuit suivante.
Cela se limita à peu de choses. Il y avait sur Berlin, cette
nuit-là, une épaisse couche de nuages, et la moitié seulement des 81 bombardiers
de la R. A. F. reconnurent l’objectif. Les dégâts matériels furent négligeables.
Mais l’effet sur le moral des Allemands fut énorme, car c’était la première
fois que des bombes tombaient sur Berlin.
Les Berlinois sont stupéfiés (écrivais-je dans mon journal
le lendemain, 25 août). Ils ne pensaient pas que cela pût jamais arriver. Quand
cette guerre a commencé, Gœring leur a affirmé que c’était impossible… Ils l’on
cru. Leur désillusion aujourd’hui est donc d’autant plus grande. Il faut voir
leurs visages pour la mesurer.
Berlin était bien défendu par deux cordons de D. C. A., et
pendant trois heures, tandis que les bombardiers ennemis vrombissaient
au-dessus des nuages qui empêchaient les centaines de batteries de projecteurs
de les repérer, le feu de la Flak fut le plus intense que j’aie jamais
vu. Mais pas un seul avion ne fut descendu. Les Anglais jetèrent aussi quelques
tracts disant que « la guerre commencée par Hitler se poursuivra et durera
autant qu’Hitler ». C’était de la bonne propagande, mais le bruit sourd
des explosions de bombes valait mieux encore.
La R. A. F. revint en force dans la nuit du 28 au 29 août
et, comme je l’ai noté dans, mon journal, « pour la première fois tua
des Allemands dans la capitale du Reich ». Le bilan officiel fut de 10
tués et 29 blessés. Les gros bonnets nazis étaient scandalisés. Gœbbels, qui
avait ordonné à la presse de ne publier que quelques lignes sur la première
attaque, donna alors l’ordre de stigmatiser la « brutalité » des
avions anglais qui attaquaient les femmes sans défense et les enfants de Berlin.
La plupart des quotidiens de la capitale portaient la même manchette :
LES
ANGLAIS ATTAQUENT LACHEMENT
Deux soirs plus tard, après le troisième raid, les
manchettes hurlaient :
PIRATES DE L’AIR ANGLAIS SUR BERLIN !
Le principal effet d’une semaine de constants bombardements
nocturnes anglais (écrivais-je dans mon journal le 1er septembre) a été de
répandre une grande désillusion dans la population et de semer le doute dans
son esprit… En réalité, les bombardements n’ont pas été très meurtriers.
Le 1er septembre était le premier anniversaire de l’entrée
en guerre. Je notai l’humeur des gens, qui avaient les nerfs à vif pour avoir
été privés de sommeil et effrayés par les bombardements inattendus et le fracas
terrifiant de la flak :
Au cours de cette année, les armées allemandes ont remporté
des victoires jamais égalées, même dans la brillante histoire militaire de
cette nation agressive et militariste. Pourtant la guerre n’est pas encore
finie, ni gagnée, et c’est sur quoi les gens concentraient leur esprit aujourd’hui.
Ils aspirent à la paix. Et ils la veulent avant la venue de l’hiver.
Hitler jugea nécessaire de s’adresser à eux le 4 septembre,
à l’occasion de l’ouverture de la campagne de Winterhilfe (Secours d’Hiver)
au Sportpalast. Jusqu’au dernier moment, sa venue avait été tenue secrète, de
crainte sans doute que les avions ennemis ne pussent profiter d’une couche de
nuages et disperser la réunion, bien qu’elle se tînt dans l’après-midi, une
heure avant la nuit.
J’ai rarement vu le dictateur nazi aussi sarcastique, aussi
porté à ce que les
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