Le Troisième Reich, T2
Allemands estiment être de l’humour, quoique Hitler en fût
essentiellement dépourvu. Il parla de Churchill comme de « ce célèbre
correspondant de guerre ». Pour « un caractère comme Duff Cooper, dit-il,
il n’y a pas de mots en allemand courant. Seuls les Bavarois ont un mot qui
dépeint de façon adéquate ce type d’homme, et c’est Krampfhenne » (qu’on
peut traduire par : vieille poule nerveuse).
Le bavardage de Mr. Churchill ou de Mr. Eden (dit-il) – le
respect dû à la vieillesse m’interdit de mentionner Mr. Chamberlain – ne
signifie rien pour le peuple allemand. Au mieux il le fait rire.
Et Hitler fit rire son auditoire, composé en grande partie de
femmes, infirmières et assistantes sociales, qui applaudirent ensuite avec
hystérie. Il devait faire face à ce problème : répondre à deux questions
qui dominaient l’esprit du peuple allemand : quand l’Angleterre
serait-elle envahie, et que ferait-on en ce qui concernait les bombardements
nocturnes de Berlin et d’autres villes allemandes ? Pour la première :
En Angleterre, ils sont pleins de curiosité et ne cessent
de demander : « Pourquoi ne vient-il pas ? Du calme, du calme… Il
vient ! Il vient ! »
Les auditeurs trouvèrent cette plaisanterie très drôle, mais ils
crurent aussi que c’était une promesse sans équivoque. Quant aux bombardements,
il commença par une falsification typique et termina par une terrible menace :
Actuellement, Mr. Churchill fait la démonstration de sa
nouvelle trouvaille, le raid de nuit. Mr. Churchill exécute ces raids non parce
qu’ils promettent d’être hautement efficaces, mais parce que son aviation ne
peut survoler l’Allemagne de jour… tandis que les avions allemands survolent le
sol anglais chaque jour… Toutes les fois qu’un Anglais voit une lumière, il
jette une bombe sur les quartiers résidentiels, les fermes et les villages.
Puis vint la menace :
Pendant trois mois, je n’ai pas riposté parce que je
croyais que pareille folie cesserait. Mr. Churchill a pris cela pour un signe
de faiblesse. A présent, nous répondons nuit pour nuit. Alors que l’aviation
anglaise lance 2 ou 3 ou 4 000 kilos de bombes, nous en lancerons en une
nuit 150,200,300 ou 400 000 kilos.
A ce moment, d’après mon journal, Hitler dut s’interrompre, à
cause des applaudissements hystériques des auditrices.
« Ils déclarent, poursuivît Hitler, qu’ils multiplieront
leurs attaques sur nos villes. Eh bien, nous raserons alors les leurs. »
A cette affirmation, notai-je, les femmes, hors d’elles, applaudirent
frénétiquement. Quand elles furent calmées, il ajouta : « Nous
mettrons fins aux performances de ces pirates nocturnes de l’air, avec l’aide
de Dieu ! »
En entendant cela, ai-je noté aussi, « les jeunes
Allemandes bondirent sur leurs pieds et, la poitrine haletante, hurlèrent leurs
approbation ».
« L’heure viendra, conclut Hitler, où l’un de nous s’effondrera,
et ce ne sera pas l’Allemagne nationale socialiste. » A ce moment-là, ai-je
encore noté, « les filles en délire gardèrent suffisamment leur contrôle
pour entrecouper leurs cris de joie sauvages d’un chœur de « Jamais !
Jamais ! ».
A Rome, Ciano, écoutant la radio qui transmit quelques heures
plus tard les enregistrements, confessa avoir été perplexe : « Hitler
doit être nerveux », conclut-il (35).
Les nerfs du Führer furent un facteur important dans la fatale
décision de transformer les fructueuses attaques de jour de la Luftwaffe contre
la R. A. F. en bombardements massifs de nuit sur Londres. C’était une décision
autant politique que militaire, prise en partie pour venger les bombardements
de Berlin et d’autres villes allemandes (qui n’étaient que des coups d’épingle
comparés à ce que la Luftwaffe faisait aux villes d’Angleterre) et anéantir la
volonté de résistance des Anglais en rasant leur capitale. Si cela
réussissait, et Hitler et Gœbbels n’en doutaient pas, une invasion pouvait n’être
pas nécessaire.
Ainsi, tard dans l’après-midi du 7 septembre, la grande
attaque aérienne de Londres commença. Les Allemands engagèrent 625 bombardiers
et 648 chasseurs. A dix-sept heures environ, ce samedi, la première vague de
320 bombardiers, protégés par tous les chasseurs que possédaient les Allemands,
remonta la Tamise et commença à lâcher ses bombes sur l’arsenal de Woolwich, différentes
usines à
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