Le Troisième Reich, T2
recouvré sa toute-puissance. Dans l’Atlantique, ses sous-marins coulent
les convois britanniques et américains à la cadence de 700 000 tonnes
chars par mois. Les chantiers maritimes des États-Unis, du Canada et d’Écosse, travaillant
nuit et jour à plein rendement, ne peuvent suffire à combler de telles brèches.
Bien qu’Hitler eût dépouillé l’Europe occidentale de
considérables effectifs amenés sur le front russe dans le but d’en finir le
plus vite possible avec les Soviets, il semblait bien improbable que les
Anglais et les Américains fussent en mesure de tenter un débarquement sur les
côtes de la Manche. Leurs forces encore réduites l’auraient difficilement
permis. Ils n’avaient même pas essayé d’occuper l’Afrique du Nord, alors que
les Français, affaiblis et divisés dans leur loyauté envers leur patrie, eussent
difficilement pu s’y opposer si elles l’avaient risqué.
De leur côté, en dehors de quelques sous-marins et d’une poignée
d’avions basés en Italie et en Tripolitaine, les éléments de défense allemands
demeuraient nuls. Rappelons-nous que la marine et l’aviation britanniques
furent impuissantes à empêcher les deux croiseurs de bataille allemands, Scharnhorst et Gneisenau , ainsi que le croiseur lourd Prinz Eugen , de s’évader
de Brest en plein jour et de rallier un port allemand. L’événement eut lieu le
11 décembre 1942 et prit les Anglais au dépourvu.
Quelques unités navales et aériennes, trop faibles, attaquèrent
cependant les trois bâtiments, ne leur infligeant que quelques dommages insignifiants.
« Le vice-amiral Ciliax [161] ,
commenta le Times , réussit là où le duc de Medina Sidonia échoua. Depuis
le XVIIe siècle, jamais une grande puissance navale n’avait subi plus
humiliante aventure. »
A ce moment-là, Hitler craignait que les Américains n’essayent
d’occuper la Norvège septentrionale. « Le destin nous attend en Norvège, dit-il
un jour à Raeder ; il nous faut la défendre coûte que coûte. » C’est
en vue de cette défense qu’il ordonna l’évasion des trois puissants bâtiments
dont je viens de parler. Cette précaution fut d’ailleurs inutile ; les
Anglo-Saxons mûrissaient d’autres projets sur un autre théâtre.
Pour qui les suit sur la carte, l’étendue des conquêtes d’Hitler
apparaît bel et bien stupéfiante. La Méditerranée était pratiquement devenue un
lac germano-italien. L’Axe contrôlait en effet la presque totalité de ses côtes
septentrionales, de l’Espagne à la Turquie, et ses côtes méridionales de la
Tunisie au Nil (il ne s’en fallait que de 100 kilomètres). Les armées
allemandes montaient à présent la garde depuis le cap Nord, sur l’océan
Arctique, jusqu’à l’Égypte, et de Brest aux confins de l’Asie centrale.
Le 8 août, les armées hitlériennes s’emparaient des puits
de pétrole de Maïkop, dont la production atteignait 2 500 000 tonnes
par an : elles les trouvèrent d’ailleurs presque complètement détruites
par les Russes, avant leur repli. Le 21, Hitler faisait hisser la croix gammée
sur le mont Elbrouz , le plus haut sommet du Caucase (5 633 mètres).
Le 23, la VIe armée atteignait la Volga, au nord de Stalingrad, et, le 25, les
avant-gardes blindées du général Kleist entraient dans Mozdok, à 80 kilomètres
de Grozny, centre pétrolifère n° 1 de l’U. R. S. S., à 160 kilomètres de
la mer Caspienne. Le 31, Hitler pressait le maréchal List, commandant en chef
des opérations du Caucase, de rassembler toutes ses forces disponibles, en vue
de la poussée sur Grozny. Il fallait coûte que coûte s’emparer de ses puits. Également
le 31, Rommel, bien résolu à atteindre le Nil, déclenchait l’offensive d’El
Alamein.
Bien qu’Hitler ne fût jamais satisfait des prouesses de ses
généraux, congédiant les uns, dont von Bock, harcelant et maudissant les autres
parce qu’ils n’avançaient pas assez vite à son gré, il entrevoyait cette fois
la victoire à portée de la main. Il donna ordre à la VIe armée, et à la IVe armée
blindée, d’opérer le long de la Volga – une fois Stalingrad conquise – un vaste
mouvement d’encerclement qui leur permettrait d’approcher la Russie Centrale et
Moscou, à la fois par l’Ouest et l’Est.
« Les Russes sont à bout », assurait-il à Halder. Il
se voyait déjà poursuivant son avance irrésistible à travers l’Iran jusqu’au
Golfe Persique (15) et
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