Le Troisième Reich, T2
opérant la liaison avec les armées japonaises dans l’océan
Indien. Un rapport reçu le 9 septembre, auquel il ajoutait foi, affirmait
que les Russes avaient épuisé leurs ressources sur toute l’étendue du front. Déjà,
en imagination, Hitler abandonnait la Russie devenue un « espace vital »
productif à l’abri de tout blocus, pour se retourner du côté de l’Angleterre et
de l’Amérique, qui, bientôt, « n’auraient plus qu’à entamer des
pourparlers de paix (16) ». En vérité, ces brillantes apparences étaient
trompeuses.
Presque tous les généraux en campagne, aussi bien que les chefs
de l’état-major général, y décelaient des failles. Résumons-les : les
Allemands ne possédaient plus ni les hommes, ni les armes, ni les avions, ni
les transports leur permettant d’atteindre les objectifs imposés par Hitler. Lorsque
Rommel essaya de le lui faire comprendre, il l’expédia aussitôt au repos dans
les montagnes de Semmering. Halder et List qui se permirent d’imiter Rommel
furent tout bonnement cassés.
Le plus obtus des stratèges amateurs pouvait se rendre compte du
péril croissant que faisait courir aux armées allemandes la résistance
soviétique dans le Caucase et autour de Stalingrad, sans parler de l’imminence
de la saison des pluies. Tout le long des 550 kilomètres de la ligne de front s’étendant
de Stalingrad à Voronej, sur le Don supérieur, le flanc Nord de la VIe armée se
trouvait dangereusement exposé. Hitler avait placé là les trois armées
satellites : au sud de Voronej, la IIe armée hongroise.
Un peu au-delà, au sud-est, la VIIIe armée italienne. Sur la
boucle du Don, à l’ouest de Stalingrad, la IIIe armée roumaine. En raison de la
farouche hostilité entre Hongrois et Roumains, il avait été nécessaire de les
séparer par l’armée italienne. Enfin, sur la steppe située au sud de Stalingrad,
la IVe armée roumaine. Sans parler de leurs capacités guerrières pour le moins
douteuses, ces quatre armées soi-disant alliées, pauvrement équipées, étirées à
l’excès, ne possédaient ni blindés ni artillerie lourde, et, en outre, manquaient
de mobilité. Les 69 bataillons de la IIIe armée roumaine, par exemple, tenaient
à eux seuls un front de 170 kilomètres.
Puisque le Führer s’imaginait la Russie déjà liquidée , nous
apprend Halder, il ne se souciait pas outre mesure de ce flanc du Don, si
redoutablement exposé. C’est de lui cependant que dépendait le maintien de la
VIe armée et de la IVe armée blindée à Stalingrad et du groupe d’armées dans le
Caucase. Que ce front s’écroule, les armées du secteur de Stalingrad risquaient
l’encerclement et celles du Caucase d’être coupées de leurs communications. Une
fois de plus, le dictateur nazi misait sur un coup de dés. Il récidiva le 23 juillet,
à l’heure où l’offensive battait son plein.
Les Russes placés entre le Donetz et le cours supérieur du Don
battaient en retraite dans deux directions : à l’est, vers Stalingrad ;
au sud, vers le Don inférieur. Une décision rapide s’imposait : soit
bloquer la Volga et s’emparer de Stalingrad, soit frapper le coup décisif à la
source du pétrole, le Caucase. Hitler s’était déjà posé cette question capitale
sans être parvenu à lui apporter une réponse. Tout d’abord, l’odeur du pétrole
avait éveillé sa convoitise la plus impérieuse, et, le 13 juillet, il
détachait du groupe d’armées B la IVe armée blindée, alors en marche vers la
boucle du Don et Stalingrad, pour l’envoyer rejoindre la I er armée
de Kleist sur le Don inférieur, à proximité de Rostov ; de là, en direction
des gisements pétrolières du Caucase.
A ce moment précis, la IVe armée aurait pu poursuivre sa poussée
sur Stalingrad, insuffisamment défendue, et s’en emparer facilement. Hitler s’aperçut
de son erreur de tactique et tenta d’y remédier, mais trop tard. Lorsque, la
IVe armée reprit la route de Stalingrad, les Russes avaient eu le temps de se
ressaisir. Par ailleurs, son absence du front du Caucase empêchait Kleist, désormais
trop faible, de poursuivre son avance sur Grozny [162] . Ce rappel
à Stalingrad d’une des plus puissantes armées blindées de la Wehrmacht résulta
de la fatale décision prise par Hitler le 23 juillet, à savoir, s’emparer
à la fois de Stalingrad et du Caucase.
Elle est exposée dans les pages de la directive n° 45, devenue
fameuse dans les
Weitere Kostenlose Bücher