Le Troisième Reich, T2
souvent laissés mourir faute de
nourriture, de vêtements, d’abri.
A ces travailleurs forcés, s’ajoutaient 2 millions de
prisonniers de guerre, dont un demi-million au moins avaient été contraints de
travailler pour les industries d’armement et de munitions, en flagrante
violation des conventions de La Haye et de Genève, qui stipulent que les
prisonniers de guerre ne peuvent pas être employés à de tels travaux [183] .
Ce chiffre ne comprend pas les centaines de milliers de prisonniers de guerre
qui furent employés à la construction des fortifications ou au transport des
munitions de l’arrière au front, voire même à armer les canons anti-aériens au
mépris des conventions internationales signées par l’Allemagne [184] .
Lors de ces déportations massives de travailleurs étrangers, les
femmes furent arrachées à leurs maris, les enfants à leurs parents, pour être
envoyés en des points d’Allemagne éloignés les uns des autres. Les jeunes – à
peine avaient-ils atteint l’âge de travailler – n’étaient pas épargnés non plus.
Les généraux supérieurs eux-mêmes coopérèrent à l’enlèvement d’enfants, qui
furent expédiés en Allemagne pour travailler comme esclaves. Un mémorandum
retrouvé dans les dossiers de Rosenberg nous apprend que cette méthode fut pratiquée
en Russie. Il est daté du 12 juin 1944 :
« Le groupe d’armées du Centre a l’intention d’appréhender
40 à 50 000 jeunes gens de dix à quatorze ans… et de les acheminer sur l’Allemagne.
Cette mesure a été suggérée par la IXe armée… Ces jeunes gens seront affectés, en
premier lieu, à l’industrie allemande pour y faire leur apprentissage… Cette
solution est envisagée d’un œil extrêmement favorable pour l’industrie
allemande, car elle aura pour effet de parer d’une manière efficace à la
pénurie d’apprentis.
« Elle a pour but non seulement de prévenir un renfort
direct des forces ennemies mais également de réduire leur potentiel biologique. »
Cette opération d’enlèvement portait un nom conventionnel : Action Foin . Le rapport ajoutait qu’elle était menée par l’armée de l’Ukraine
du Nord, sous les ordres du maréchal Model (22).
Pour rassembler les victimes, on recourut de plus en plus au
terrorisme. Au début, on avait employé des méthodes relativement douces. On
raflait les gens à la sortie des églises ou des cinémas. Dans l’Ouest, les
unités S. S. se contentaient purement et simplement de cerner un quartier et d’enlever
tous les hommes et les femmes estimés bons pour le travail. Des villages
entiers furent ainsi encerclés et fouillés. Dans l’Est, lorsque les habitants
refusaient de se laisser faire, les Allemands mettaient le feu au village et
embarquaient tout le monde. Les dossiers de Rosenberg abondent en rapports allemands sur des faits de ce genre. En Pologne, il y eut du moins un fonctionnaire
allemand pour trouver que les choses allaient un peu trop loin.
« La féroce et brutale chasse à l’homme (écrivait-il
au gouverneur Frank) telle qu’elle se pratique partout, dans les villes et les
campagnes, les rues, les gares, les places, et jusque dans les églises, la nuit
dans les maisons, a fortement ébranlé chez tous les habitants le sentiment de
sécurité. Chacun est exposé au danger d’être pris à l’improviste n’importe où
et à n’importe quelle heure par la police et d’être envoyé dans un camp de
rassemblement. Et ceci sans qu’aucun de ses proches sache ce qui lui est arrivé
(23). »
Mais le rassemblement des forçats du travail n’était qu’un
premier pas [185] .
Les conditions de leur acheminement sur l’Allemagne laissaient à désirer. Un
certain docteur Gutkelch en donnait un exemple dans un rapport adressé au
ministère Rosenberg le 30 septembre 1942. Racontant la rencontre sur une
voie de triage d’un train rempli de travailleurs de l’Est repartant pour leur
pays et d’un autre plein de « nouvelles recrues » russes en route
pour l’Allemagne, il écrivait :
« La présence des cadavres qui se trouvaient dans le
train chargé des travailleurs retournant chez eux aurait pu déterminer une
catastrophe… Dans ce train, des femmes mirent au monde des enfants qui furent
lancés par les fenêtres au cours du voyage. Des malades atteints de tuberculose
et de maladies vénériennes se trouvaient dans le même wagon. Les mourants
gisaient dans des wagons de marchandises,
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