Le Troisième Reich, T2
pénétrer dans les
camions ? Voulut savoir le colonel Amen.
— On leur disait qu’on allait les transporter dans une
autre localité », répondit Ohlendorf [193] .
L’enterrement des victimes de ces remorques à gaz, se
plaignit-il, représentait une « pénible épreuve » pour les hommes des Einsatzgruppen . Ceci devait être confirmé par un certain docteur Becker,
qu’Ohlendorf identifia comme étant le constructeur des « camions remorques »,
dans un document produit à Nuremberg. Dans une lettre qu’il adressait aux
quartiers généraux, le docteur Becker protestait contre le fait que les hommes
du S. D. allemand eussent à décharger les cadavres des femmes et des enfants
gazés. Il attirait l’attention des autorités « sur les graves
répercussions psychologiques et physiques que ce travail pourrait avoir sur ces
hommes. Ils se sont plaints à moi, écrivait-il, de souffrir de maux de tête
après chaque déchargement ».
Le docteur Becker faisait également ressortir à ses supérieurs
que :
« L’application du gaz n’est généralement pas faite
correctement. Afin d’en terminer aussi vite que possible, le conducteur appuie
à fond sur l’accélérateur. Les personnes qui doivent être exécutées meurent
suffoquées au lieu de s’endormir ainsi qu’il avait été prévu. »
Le docteur Becker était humanitaire – à son point de vue du
moins – et il ordonna un changement de technique :
« Il est maintenant prouvé qu’en réglant correctement
les leviers, la mort survient plus rapidement et que les prisonniers s’endorment
paisiblement. On ne voit plus de visages convulsés, ni d’excréments comme
auparavant (45). »
Mais ces remorques à gaz, ainsi que l’assura Ohlendorf, ne
pouvaient liquider que de 15 à 25 personnes à la fois, ce qui était totalement
insuffisant, étant donné l’échelle des massacres ordonnés par Hitler et par
Himmler. Insuffisant par exemple pour le travail qui fut accompli à Kiev, capitale
de l’Ukraine, en deux jours seulement, les 29 et 30 septembre 1941. En ces
deux seuls jours, selon un rapport officiel Einsatz , 33 771
personnes, juives pour la plupart, furent « exécutées (46) ».
Le compte rendu d’un témoin oculaire allemand sur la manière
dont fut menée en Ukraine une exécution massive relativement moins importante
souleva un murmure d’horreur dans la salle du tribunal de Nuremberg, lorsque le
procureur général anglais, Sir Harley Shawcross, en fit la lecture. Il s’agissait
d’une déposition écrite faite par Hermann Graebe, directeur et ingénieur de la
succursale ukrainienne d’une firme de constructions allemande. Le 5 octobre
1944, il vit les commandos Einsatz , appuyés par la milice ukrainienne, en
pleine action devant les fosses d’exécution de Dubno. Il s’agissait, écrivait-il,
de liquider les 5 000 Juifs de la ville.
« … Mon contremaître et moi, nous nous rendîmes
directement aux fosses. J’entendais des coups de fusil se succéder à une
cadence rapide ; le son venait de derrière un des monticules de terre. Ceux
qui étaient descendus des camions : hommes, femmes et enfants de tous âges,
durent se déshabiller sur l’ordre d’un S. S. armé d’un fouet de chien ou d’une
cravache. Ils durent ensuite poser leurs vêtements à des emplacements
déterminés, selon qu’il s’agissait de souliers, de vêtements de dessus et de
sous-vêtements. Je vis une pile de chaussures d’environ 800 à 1 000 paires,
de grandes piles de sous-vêtements et de vêtements.
« Sans crier, sans pleurer, ces gens se dévêtirent, se
groupèrent par familles, s’embrassèrent, se dirent adieu et attendirent qu’un
autre S. S. debout près de la fosse, la main également armée d’un fouet, leur
fît signe. Tout au long des quinze minutes pendant lesquelles je restai près de
la fosse, je n’entendis ni une plainte, ni un appel à la pitié.
« Une vieille femme aux cheveux blancs comme neige
tenait dans ses bras un enfant âgé d’un an, elle lui chantait et le
chatouillait. L’enfant roucoulait de joie. Ses parents le regardaient les
larmes aux yeux. Le père serrait la main d’un jeune garçon âgé d’environ dix
ans auquel il parlait doucement ; le jeune garçon luttait pour refouler
ses larmes. Le père lui montra du doigt le ciel, lui caressa les cheveux et
parut lui expliquer quelque chose…
« A ce moment, le S. S. placé près de la fosse cria
quelque chose à
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