Le Troisième Reich, T2
avaient
manifesté aux cris de « Pain, paix et liberté ». Le régime fasciste, discrédité
et corrompu, s’effritait à vive allure et lorsque, au début de l’année, le
comte Ciano fut relevé de ses fonctions de ministre des Affaires étrangères et
nommé ambassadeur, auprès du Vatican, les Allemands soupçonnèrent qu’on l’y
avait envoyé pour tenter de négocier une paix séparée avec les Alliés, ainsi
que le réclamait avec insistance le dictateur roumain Antonescu.
Depuis plusieurs mois, Mussolini pressait Hitler de conclure la
paix avec Staline, ce qui lui aurait permis de ramener ses armées à l’Ouest
pour créer avec les Italiens un nouveau front défensif rendu nécessaire par la
menace grandissante des forces anglo-américaines en Méditerranée et de celles
qui, croyait-il, s’assemblaient en Angleterre en vue d’une invasion par la
Manche. Hitler comprit que le moment était venu d’avoir un entretien avec
Mussolini afin de remonter le moral chancelant de son partenaire et de le
remettre dans le droit chemin. La rencontre eut lieu le 7 avril 1943, à
Salzbourg ; le Duce, qui était arrivé fermement décidé à faire prévaloir
sa volonté – ou du moins à se faire entendre, – finit, une fois de plus, par
succomber sous le flot de paroles du Führer. Hitler
raconta ensuite son succès à Gœbbels qui le nota dans son
journal :
En y mettant toute son énergie, il parvint à remettre
Mussolini sur la bonne voie… Le Duce opéra un retournement complet… En le
voyant descendre du train à son arrivée, le Führer s’était dit qu’il avait l’air
d’un vieil homme brisé ; quand il est reparti (au bout de quatre jours) il
était dans une forme parfaite – prêt à entreprendre n’importe quoi (1).
Mais, en réalité, Mussolini n’était pas prêt pour les événements
qui, maintenant, se précipitaient. La conquête de la Tunisie par les Alliés, en
mai, fut suivie par les débarquements anglo-américains en Sicile le 10 juillet.
Les Italiens n’aiment guère combattre sur leur propre territoire. Bientôt des
rapports parvinrent à Hitler lui signalant que l’armée italienne était « en
état d’effondrement moral », ainsi qu’il le dit à ses conseillers de l’O. K.
W.
Seules des mesures féroces (déclara Hitler lors d’un
conseil de guerre qui se tint le 17 juillet) semblables à celles qui
furent appliquées par Staline en 1941 ou par les Français en 1917 peuvent
sauver la nation. Il faudrait installer en Italie une sorte de tribunal ou de
cour martiale pour supprimer les éléments indésirables (2).
De nouveau, il convoqua Mussolini pour en discuter ; l’entretien
eut lieu le 19 juillet à Feltre, dans le Nord de l’Italie. C’était la
treizième conférence qui réunissait les deux dictateurs, et elle suivit le même
cours que les précédentes. Hitler parla tout le temps, tandis que Mussolini
écoutait – trois heures avant le déjeuner et deux heures après. Sans grand
succès, le Führer tenta de remonter le moral de son ami et
allié. Il leur fallait continuer à mener la lutte sur tous les fronts. Ils n’avaient
pas le droit de laisser à « une autre génération » le soin d’accomplir
leur tâche. La « voix de l’Histoire » les appelait encore. Si les
Italiens combattaient, on pouvait tenir la Sicile et l’Italie. Des renforts
allemands seraient envoyés pour les appuyer. Un nouveau type de sous-marin
allait bientôt entrer en action. Ce serait pour les Anglais un véritable « Stalingrad ».
En dépit des promesses d’Hitler et de ses fanfaronnades, le
docteur Schmidt trouva l’atmosphère très déprimante. Mussolini était à ce point
épuisé qu’il ne pouvait plus suivre les tirades de son ami et, à la fin, il
demanda à Schmidt de lui passer les notes qu’il avait prises. Le désespoir du
Duce s’accrut encore lorsque, au cours de l’entretien, on lui remit des
rapports sur la première attaque massive faite par les bombardiers alliés
contre Rome (3).
Benito Mussolini, las, vieilli, encore qu’il n’eût guère que la
soixantaine, se trouvait au bout de son rouleau, après s’être pavané sur le
théâtre européen pendant vingt ans. Quand il revint à Rome, ce fut pour trouver
quelque chose de pire que les suites du premier bombardement massif. Il dut
affronter la rébellion de quelques-uns de ses plus proches partisans dans la
hiérarchie du Parti fasciste, et même celle de son gendre Ciano.
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