Le Troisième Reich, T2
hâter.
Depuis le début, le cercle Beck-Gœrdeler-Hassell avait refusé d’avoir
le moindre contact avec la résistance communiste, et réciproquement. Pour les
communistes, les conspirateurs étaient aussi réactionnaires que les nazis, et
leur succès pouvait fort bien empêcher qu’une Allemagne communiste succédât à
une Allemagne nationale socialiste. Beck et ses amis étaient parfaitement au
courant de cette position. Ils savaient également que la résistance communiste
était dirigée de Moscou et servait surtout de réseau d’espionnage aux Russes [259] .
D’autre part, ils savaient que les agents de la Gestapo s’y
étaient infiltrés – les « hommes V » ainsi que les appelait Heinrich
Mueller, le chef de la Gestapo, grand admirateur de la N. K. V. D. soviétique, dont
il suivait les leçons.
En juin, les conspirateurs, contre l’avis de Gœrdeler et des
membres plus anciens, décidèrent de prendre contact avec les communistes. Cette
démarche leur avait été suggérée par l’aile socialiste, et en particulier par
le philosophe socialiste Adolf Reichwein, qui était alors directeur du musée
folklorique de Berlin. Reichwein avait gardé de vagues contacts avec les
communistes. Bien que Stauffenberg lui-même n’eût guère confiance en eux, ses
amis socialistes Reichwein et Leber le convainquirent qu’il était nécessaire d’entrer
en relation avec eux, afin de savoir ce qu’ils préparaient, ce qu’ils feraient
dans le cas où le putsch réussirait et, si possible, de s’en servir au dernier
moment pour élargir les bases de la résistance antinazie. Non sans réticence, il
accepta que Leber et Reichwein rencontrassent le 22 juin les chefs de la
résistance communiste, mais il insista pour qu’on leur en dît le moins possible.
La rencontre eut lieu, dans l’est de Berlin, entre Leber et
Reichwein, représentant les socialistes, et deux individus nommés Franz Jacob
et Anton Säfkow, qui prétendirent être – et étaient peut-être – les dirigeants
de la résistance communiste. Ils étaient accompagnés d’un troisième camarade qu’ils
présentèrent sous le nom de « Rambow ». Les communistes, au courant
du complot contre Hitler, voulurent en savoir davantage. Ils demandèrent qu’une
rencontre fût organisée avec les chefs militaires le 4 juillet. Stauffenberg
refusa, mais Reichwein fut autorisé à le représenter à une autre rencontre, à
la même date. Quand il y arriva, en compagnie de Jacob et Säfkow, ils furent
arrêtés : « Rambow » était un mouchard de la Gestapo. Le
lendemain, Leber, dont Stauffenberg comptait faire le personnage politique
dominant du futur gouvernement, était arrêté également [260] .
Stauffenberg fut profondément bouleversé par l’arrestation de
Leber, avec lequel il s’était lié d’une vive amitié et qu’il considérait comme
indispensable au futur gouvernement, et il comprit aussi que toute la
conspiration risquait d’être étouffée d’un seul coup, maintenant que les sbires
d’Himmler étaient sur leur piste. Leber et Reichwein étaient des hommes
courageux et on pouvait compter sur eux, pensait-il, pour ne pas révéler leurs
secrets, même sous la torture.
L’arrestation de Leber et de Reichwein donnait aux conjurés un
nouveau coup d’éperon pour les pousser à l’action.
L’ATTENTAT DU 20 JUILLET 1944
Vers la fin juin, les conspirateurs eurent un coup de chance. Stauffenberg
fut promu colonel et chef d’état-major du général Fromm, commandant en chef de
l’armée de l’intérieur. Non seulement ce poste le mettait en mesure de donner
des ordres à cette armée au nom de Fromm, mais il lui permettait d’approcher d’Hitler.
Ce dernier, en effet, prit l’habitude de convoquer le chef de l’armée de l’intérieur,
ou son adjoint, à son quartier général, deux ou trois fois par semaine, pour
leur demander de nouveaux renforts pour ses divisions décimées qui luttaient
sur le front russe. C’est au cours d’un de ces entretiens que Stauffenberg
entendait faire exploser sa bombe.
Stauffenberg était devenu l’homme-clé de la conspiration. Sur
ses épaules reposait maintenant l’unique chance de succès. Étant le seul membre
du complot à pouvoir franchir les barrages qui interdisaient l’accès au
quartier général du Führer, c’était à lui que revenait le soin de tuer Hitler. En
sa qualité de chef d’état-major de l’armée de l’intérieur, ce serait à lui –
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