Le Troisième Reich, T2
présent, qu’il avait l’intention de retourner
dans la salle et de déclencher le dispositif de la bombe. Olbricht l’informa
que les troupes de Berlin étaient déjà en marche.
Le succès de la grande entreprise semblait assuré. Mais quand
Stauffenberg rentra dans la salle de conférence ce fut pour apprendre qu’Hitler
était parti et ne reviendrait pas. Désespéré, Stauffenberg appela aussitôt
Olbricht et lui transmit la nouvelle. Le général annula l’alerte « Walkyrie »
en toute hâte et les troupes regagnèrent leurs casernes aussi rapidement et
aussi discrètement que possible.
L’annonce de ce nouvel échec porta un rude coup aux
conspirateurs qui se réunirent à Berlin dès le retour de Stauffenberg pour
envisager ce qu’il fallait faire. Gœrdeler était d’avis de recourir à la « solution
occidentale ». Il proposa à Beck d’aller avec lui par
avion à Paris pour conférer avec le maréchal von Kluge sur
la possibilité d’obtenir un armistice à l’Ouest, par lequel les Alliés
occidentaux accepteraient de ne pas pousser au-delà de la frontière
franco-allemande, ce qui aurait pour effet de libérer les armées allemandes de
l’Ouest et de pouvoir les envoyer sur le front de l’Est, pour sauver le Reich des Russes et de leur bolchévisme. Beck voyait
mieux la situation.
Il savait fort bien que l’idée d’obtenir une paix séparée avec l’Ouest
n’était qu’une illusion insensée. Néanmoins, déclara Beck, il
fallait à tout prix exécuter le complot contre Hitler et renverser le nazisme
si l’on voulait sauver l’honneur de l’Allemagne. Stauffenberg fut de cet avis. Il
jura qu’il n’échouerait pas la prochaine fois. Le général Olbricht, qui s’était
fait réprimander par Keitel pour avoir déplacé ses troupes dans Berlin, déclara
qu’il ne pouvait plus prendre le risque une deuxième fois, sous peine de
démasquer toute la conspiration. Il s’en était tiré de justesse en expliquant à
Keitel et à Fromm qu’il s’agissait d’un exercice. Cette
crainte de mettre de nouveau les troupes en mouvement tant que l’on n’aurait
pas appris qu’Hitler était mort allait avoir des conséquences désastreuses le
jeudi suivant, jour décisif.
Le dimanche 16 juillet au soir, Stauffenberg invita chez
lui, à Wannsee, un petit cercle d’amis proches et de parents : son frère Berthold, un jeune homme studieux, tranquille, recueilli, qui
était conseiller en droit international à l’état-major de la marine ; le
lieutenant-colonel Caesar von Hofacker, cousin des
Stauffenberg et leur agent de liaison auprès des généraux du front de l’Ouest ;
le comte Fritz von der Schulenburg, ex-nazi, encore en
fonction comme adjoint du préfet de police de Berlin ; et Trott
zu Solz. Hofacker revenait tout juste de l’Ouest, où il s’était
entretenu avec plusieurs généraux – Falkenhausen, Stuelpnagel,
Speidel, Rommel et von Kluge.
Il apprit à ses amis qu’un effondrement allemand était imminent
sur le front ouest et, ce qui était plus important encore, que Rommel, tout en continuant à s’opposer à l’attentat contre Hitler, soutiendrait
la conspiration sans se préoccuper du camp que choisirait von
Kluge. Après une longue discussion, les jeunes conspirateurs décidèrent
que le seul moyen d’en finir était de supprimer le Führer. Ils
ne se faisaient plus d’illusions désormais ; ils savaient bien que leur
action désespérée n’épargnerait plus à l’Allemagne une capitulation
inconditionnelle. Ils tombèrent d’accord sur le fait qu’il faudrait la
consentir aux Russes aussi bien qu’aux démocraties occidentales. L’important, dirent-ils,
était que ce fussent les Allemands, et non leurs vainqueurs, qui libérassent l’Allemagne
de la tyrannie hitlérienne (26).
Mais ils venaient terriblement tard. Le despotisme nazi durait
depuis onze ans, et seule la certitude d’une défaite totale dans une guerre que
l’Allemagne avait déclenchée et à laquelle ils ne s’étaient guère opposés les
avait poussés à l’action. Mieux vaut tard que jamais, bien sûr – mais il ne
leur restait que bien peu de temps. Les généraux du front les avertissaient que
la débâcle approchait à la fois à l’Est et à l’Ouest ; ce n’était plus qu’une
question de semaines.
Il semblait qu’il ne restât aux conspirateurs que quelques jours
pour agir. Le mouvement prématuré des troupes à Berlin, le 15 juillet,
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