Le Troisième Reich, T2
ils
apprenaient par la même occasion que le détachement chargé d’occuper la Rundfunkhaus (Maison de la Radio) avait failli à sa tâche. Pendant qu’il attendait Remer, Gœbbels
avait pu téléphoner le texte de ce message au bureau central des stations d’émission.
A dix-huit heures quarante-cinq, Stauffenberg envoyait par télé printer un
message aux commandants d’armées, disant que le communiqué de la radio était
faux et qu’Hitler était mort.
Mais, pour les conjurés, le dommage causé était presque
irréparable. Les généraux qui commandaient à Prague et à Vienne, et qui avaient
déjà procédé à l’arrestation des S. S. et des dirigeants du Parti nazi, commencèrent
à faire machine arrière. A vingt heures vingt, Keitel lançait par le télé
printer de l’armée un message adressé à tous les commandants en chef. Ce
message, émanant du quartier général du Führer, annonçait qu’Himmler avait été
nommé commandant en chef de l’armée de l’intérieur et qu’ « ils ne
devaient obéir qu’aux seuls ordres venant de lui ou de moi-même ». Keitel
ajoutait :
« Tous ordres émanant de Fromm, Witzleben ou Hœpner sont
nuls et non avenus. » Le communiqué lancé par la radio pour annoncer qu’Hitler
était vivant et l’ordre de Keitel de n’obéir qu’à lui devaient avoir, ainsi que
nous le verrons, un effet décisif sur le maréchal von Kluge qui, de France, s’apprêtait
à lier son sort à celui des conspirateurs [271] .
Les chars, sur lesquels les officiers rebelles avaient
tellement compté, n’arrivèrent pas. On aurait pu penser que Hœpner, un
remarquable général de blindés, veillerait lui-même à la marche des opérations,
mais il n’en fit rien. Le commandant de l’école de Panzer de Krampnitz qui
devait fournir les tanks, le colonel Wolfgang Glaesemer, avait reçu des
conspirateurs l’ordre de diriger ses chars sur la ville et de se présenter à la
Bendlerstrasse pour recevoir d’autres instructions.
Mais le colonel n’entendait nullement participer à un putsch
militaire contre les nazis, et Olbricht, après l’avoir supplié en vain, dut le
faire enfermer lui aussi dans le quartier général. Glaesemer, toutefois, eut le
temps de demander à son adjoint, qui n’était pas arrêté, d’informer le quartier
général de l’inspection des troupes blindées à Berlin – dont dépendaient toutes
les formations blindées – de ce qui était arrivé et de veiller à ce que seuls
les ordres émanant de l’Inspection fussent exécutés.
C’est ainsi que les tanks, dont les rebelles avaient si grand
besoin, leur furent refusés, alors que certains avaient déjà atteint le cœur de
la ville, la Colonne de la Victoire, dans le Tiergarten. Le colonel Glaesemer
parvint à se libérer au moyen d’une ruse ; il dit à ses gardiens qu’il
avait décidé de suivre les ordres d’Olbricht et qu’il allait prendre lui-même
le commandement de ses chars, sur quoi il se glissa hors de l’édifice. Quelques
instants plus tard, les chars sortaient de la ville.
Quand, peu après vingt heures, le maréchal von Witzleben arriva
enfin en grand uniforme et en agitant son bâton pour prendre son poste de
nouveau commandant en chef de la Wehr macht, il semble
avoir compris aussitôt que la partie était perdue. Il s’emporta contre Beck et Stauffenberg, leur reprochant d’avoir saboté toute l’affaire.
Lors de son procès, il devait déclarer qu’il avait tout de suite prévu l’échec
du complot en apprenant que le bureau central des stations d’émission n’avait
pas été occupé. Mais lui-même n’avait rien fait pour apporter son aide au
moment où son autorité de maréchal aurait pu rallier d’autres commandants d’unités,
tant à Berlin qu’à l’étranger. Quarante-cinq minutes après son arrivée à la Bendlerstrasse, il quittait le quartier général et repartait dans
sa Mercedes pour Zossen, où il avait tué le temps pendant
les sept heures décisives de cette journée. A peine arrivé, il prévint le
général Wagner que la révolte avait échoué et remonta en voiture pour gagner sa
propriété de campagne, à 45 kilomètres de là. Il devait y être arrêté le
lendemain par un confrère, le général Linnertz.
Le rideau se leva alors sur le dernier acte.
Peu après vingt et une heures, les conspirateurs, déçus dans
leurs espoirs, furent frappés de stupeur en entendant le Deutschlandsender annoncer que le Führer
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