Le Troisième Reich, T2
choisir
entre deux solutions. Trois semaines plus tard, à l’ombre du gibet, Hœpner
raconta cet épisode au tribunal populaire.
Hœpner (dit Fromm), toute cette affaire me peine beaucoup. Nous
étions de bons amis et de bons camarades, vous le savez. Vous vous êtes laissé
entraîner dans cette affaire et devez en subir les conséquences. Voulez-vous
suivre le même chemin que Beck ? Sinon, je vais être contraint de vous
arrêter.
Hœpner répondit qu’il ne se « sentait pas si coupable »
et qu’il pensait être en mesure de se « justifier ».
« Je comprends », répondit Fromm en lui serrant la
main.
Et Hœpner fut conduit à la prison militaire de Moabit.
Comme on l’emmenait, il entendit à travers la porte de la pièce
voisine la voix lasse de Beck qui disait :
« Si cela ne marche pas cette fois-ci, alors aidez-moi, s’il
vous plaît. »
Puis il y eut un coup de revolver. La seconde tentative de Beck
pour se tuer échoua. Fromm passa la tête par l’entrebâillement de la porte et
dit de nouveau à l’officier :
« Aidez le vieux monsieur. »
Cet officier inconnu ne voulut pas donner le coup de grâce. Il
en laissa le soin à un sergent, qui traîna hors de la pièce Beck inconscient et
l’acheva d’une balle dans la nuque (33).
Il était maintenant plus de minuit. La seule révolte sérieuse
qui eût été fomentée contre Hitler au cours des onze années et demie qui
avaient suivie l’avènement du Troisième Reich avait été étouffée en onze heures
et demie. Skorzeny arriva à la Bendlerstrasse à la tête d’une bande de S. S. armés ;
il interdit aussitôt que l’on procédât à de nouvelles exécutions – en qualité
de policier, il savait bien que l’on ne devait pas tuer ceux auxquels la
torture pourrait peut-être arracher de précieux renseignements sur l’étendue du
complot. Il passa les menottes au reste des conspirateurs, les expédia à la
prison de la Gestapo de la Prinz-Albrechtstrasse et donna ordre de rassembler
les papiers que les conspirateurs n’avaient pas eu le temps de détruire.
Himmler, arrivé à Berlin peu auparavant, avait établi un
quartier général temporaire au ministère de Gœbbels, maintenant sous la
protection d’une partie du bataillon de la garde de Remer ; il téléphona à
Hitler pour lui annoncer que la révolte était réprimée. En Prusse-Orientale, un
camion radio roulait à toute vitesse sur la route de Kœnigsberg à Rastenburg
afin que le Führer pût prononcer à la radio ce message que le Deutschlandsender ne cessait d’annoncer à de courts intervalles depuis vingt et une heures.
Juste avant une heure du matin, la voix rauque d’Adolf Hitler
éclata dans la nuit d’été :
Camarades allemands !
Si je m’adresse aujourd’hui à vous, c’est afin que vous
entendiez ma voix et sachiez que je n’ai pas été blessé. C’est aussi pour que
vous appreniez qu’un crime sans précédent dans l’Histoire vient d’être commis.
Une petite clique d’officiers à la fois ambitieux, irréfléchis,
stupides et insensés, a ourdi un complot pour m’éliminer et, avec moi, l’état-major
du Haut-Commandement de la Wehrmacht.
La bombe déposée par le colonel comte Stauffenberg a
explosé à deux mètres de moi. Elle a grièvement blessé plusieurs de mes fidèles
et loyaux collaborateurs et en a tué un autre. Je suis moi-même totalement
indemne, à part quelques égratignures, contusions et brûlures superficielles. C’est
pour moi la confirmation de la mission que m’a dévolue la Providence…
Les usurpateurs ne forment qu’un très petit groupe, qui n’a
rien de commun avec l’esprit de la Wehrmacht et surtout avec le peuple allemand.
Il s’agit d’une bande de criminels qui seront tous exterminés impitoyablement.
En conséquence, je donne l’ordre à toutes les autorités
militaires… de ne pas obéir aux ordres émanant de ces imposteurs. Je donne
également l’ordre à tous d’arrêter ou, en cas de résistance, de tuer à vue
quiconque donnerait ou exécuterait de tels ordres…
Nous les traiterons de la façon dont nous autres, nationaux-socialistes,
avons toujours traité nos ennemis.
VENGEANCE SANGLANTE
Hitler tint parole.
La cruauté des nazis à l’égard de leurs propres concitoyens
atteignit son apogée. Il y eut une terrible vague d’arrestations suivies d’horribles
tortures, de conseils de guerre, de condamnations à mort exécutées, dans la
plupart des cas,
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