Le Troisième Reich, T2
sur-le-champ les dernières décisions de sa vie. Quand l’aube
se leva, il avait épousé Eva Braun, rédigé son testament, envoyé
Greim et Hanna Reitsch rejoindre la Luftwaffe pour
organiser un bombardement massif des troupes russes encerclant la capitale, et
donné l’ordre d’arrêter Himmler, ce traître.
Un traître ne doit pas me succéder comme Führer, déclara-t-il
à Hanna Reitsch. Vous devez réussir à vous échapper, afin d’y veiller.
Mais Hitler ne pouvait pas attendre pour se venger d’Himmler. Il
avait en son pouvoir l’agent de liaison du chef S. S. : Fegelein. L’ancien jockey devenu général S. S. fut extrait de son cachot, pressé
de questions au sujet de la « trahison » de son chef, accusé de
complicité et, sur les ordres du Führer, abattu dans les
jardins de la Chancellerie. Le fait qu’il fût marié à la sœur d’Eva Braun ne lui valut pas la vie sauve. Eva ne tenta pas d’intercéder
en sa faveur.
Pauvre, pauvre Adolf ! dit-elle en présence d’Hanna
Reitsch. Abandonné, trahi par tous. Mieux vaut la mort de 10 000 hommes
que la perte du Führer pour l’Allemagne.
L’Allemagne le perdit pourtant, mais en ces quelques heures c’est Eva Braun qui le gagna. Entre une heure et trois heures du
matin, le 29 avril, en guise d’ultime récompense pour son indéfectible
loyauté, Hitler accéda au désir de sa maîtresse et lui offrit un mariage légal.
Il avait toujours affirmé que le mariage l’empêcherait de se consacrer
entièrement à la direction du parti, qu’il voulait mener, avec sa patrie, jusqu’à
la puissance suprême. Maintenant qu’il n’y avait plus de patrie ni de parti à
conduire à la gloire et que sa vie tirait à sa fin, il pouvait en toute
sérénité contracter un mariage destiné à ne durer que quelques heures.
Gœbbels trouva un conseiller municipal, un certain Walter Wagner, qui combattait dans les troupes de la Volkssturm , dans la rue même, et ce
personnage officiel, tout surpris, présida la cérémonie, dans la petite salle
de conférences du bunker. Le document du mariage a été préservé et nous permet
d’imaginer ce qu’un des secrétaires du Führer décrit comme
« les noces funèbres ». Hitler demanda que, « vu la tournure de
la guerre, les bans fussent publiés oralement, afin d’éviter tout délai ».
Les deux futurs époux jurèrent qu’ils étaient « de purs
Aryens », exempts de « maladies héréditaires susceptibles d’empêcher
leur union ». A la veille de sa mort le dictateur tenait malgré tout à
respecter les formes. Il laissa pourtant en blanc les lignes destinées à
indiquer les noms de ses père (né Schicklgruber) et mère, ainsi que la date de
leur mariage. Quand l’épousée voulut signer, elle commença par écrire « Eva Braun » , mais elle se reprit, biffa le B et écrivit « Eva Hitler, née Braun » . Gœbbels
et Bormann apposèrent leur signature, en qualité de témoins.
Après la brève cérémonie, il y eut un lunch plutôt macabre, dans
l’appartement privé du Führer. On apporta du champagne et tous y furent invités : même Fräulein Manzialy, la cuisinière végétarienne d’Hitler, ses
secrétaires et les derniers généraux présents, Krebs et Burgdorf, sans oublier Bormann et le docteur Gœbbels et sa femme.
Pendant un moment, la conversation s’orienta sur « le bon vieux temps »
et les camarades du parti, durant les jours meilleurs. Hitler s’attendrit au
souvenir du mariage de Gœbbels, dont il avait été le témoin. Selon son habitude
et jusqu’à la fin, ce bavard ne tarissait pas et évoquait les périodes
frappantes de sa vie aventureuse.
Elle touchait à son terme, dit-il, ainsi que le
national-socialisme. Pour lui, ce serait un soulagement de mourir, puisqu’il
avait été trahi par ses meilleurs amis et ses disciples. Une atmosphère lugubre
planait sur l’assistance et certains des invités se retirèrent furtivement, en
larmes. Finalement, Hitler en fit autant. Dans une pièce voisine, il fit venir
une de ses secrétaires, Frau Gertrude Junge, et commença à lui dicter son testament politique et ses dernières
volontés privées.
LES DERNIÈRES VOLONTÉS D’HITLER
Ces documents étaient, dans l’esprit d’Hitler, destinés à la
postérité. Comme la plupart des autres écrits du Führer, il
apporte un témoignage important à ce récit. Il confirme que l’homme qui avait
gouverné l’Allemagne d’une main de fer, durant
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