Le Troisième Reich, T2
non
seulement son jugement ; politique, mais aussi son jugement militaire, supérieurs
à ceux de ses généraux et, par suite, refusa d’écouter leurs conseils ou de
permettre leurs critiques – avec un résultat désastreux pour tous. « Une
brèche était ouverte, dit Brauchitsch au tribunal de Nuremberg en décrivant les
événements du 23 novembre, qui fut plus tard obturée mais ne fut jamais
complètement réparée. »
De plus, la harangue d’Hitler aux généraux, en ce jour d’automne,
éteignit toutes les velléités d’Halder et de Brauchitsch (du reste tièdes) de
renverser le dictateur nazi. Il les avait avertis qu’il « anéantirait »
tous ceux qui se mettraient sur son chemin, et Halder dit qu’Hitler avait
spécialement ajouté qu’il supprimerait toute opposition contre lui au grand
état-major « avec une ; force brutale ». Halder, pour le moment
du moins, n’était pas homme à affronter de si terribles menaces.
Quand, quatre jours plus tard, le 27 novembre, le général
Thomas alla le voir, à l’instigation de Schacht et de
Popitz, et le pressa de talonner Brauchitsch, d’agir contre le Führer (« Hitler
doit être renversé ! » dit-il, ainsi qu’Halder s’en souvint plus tard),
le chef de l’état-major lui rappela toutes les « difficultés ». Il n’était
pas encore sûr, dit-il, que Brauchitsch « prendrait une part active à un
coup d’État (33) ». Quelques jours plus tard, Halder donna à Gœrdeler les
raisons les plus burlesques de sa non-participation au projet de soulèvement. Hassell
les nota dans son journal.
A côté du fait que « l’on ne doit pas se rebeller quand on
est face à face avec l’ennemi », Halder ajoutait, selon Hassell, les
points suivants : « Nous devons donner à Hitler sa dernière chance de
délivrer le peuple allemand de l’esclavage du capitalisme anglais… Il n’y a
aucun autre homme capable… L’opposition n’est pas encore assez mûre… On ne peut
être sûr des jeunes officiers. » Hassell lui-même fit appel à l’amiral
Canaris, un des conjurés de la première heure, pour qu’il allât de l’avant, mais
sans succès. « Il a renoncé à l’espoir d’une résistance des généraux »,
confia à son journal l’ancien ambassadeur le 30 novembre, « et il
pense qu’il serait inutile d’essayer quelque chose de plus par cette voie ».
Un peu plus tard, Hassell nota que « Halder et Brauchitsch ne sont rien de
plus que les valets d’Hitler (34) ».
PREMIER PHASE DE LA TERREUR
NAZIE EN POLOGNE
Peu de jours après l’attaque allemande contre la Pologne, mon
journal commençait à se remplir de notes sur la terreur nazie dans les
territoires conquis. Plus tard, on apprendrait que bien d’autres journaux en
ont été remplis également. Le 19 octobre, Hassell rapporta qu’il avait
entendu parler « des brutalités affreuses des S. S., spécialement envers
les Juifs ». Un peu plus tard, il confiait à son journal une histoire
racontée par un propriétaire allemand de la province de Posen.
La dernière chose qu’il y avait vue était un chef de
district du parti qui, ivre, avait ordonné d’ouvrir la prison ; il avait
tué cinq prostituées et tenté d’en violer deux autres (35).
Le 18 octobre, Halder nota dans son journal les principaux
points d’une conversation avec l’intendant général, Eduard Wagner, qui s’était
entretenu avec Hitler le jour même sur l’avenir de la Pologne. Cet avenir
paraissait sombre.
Nous n’avons pas l’intention de reconstruire la Pologne… Elle
ne sera pas un État modèle sur le type allemand. On doit empêcher l’intelligentzia
polonaise de s’ériger en classe gouvernante. Un bas niveau de vie doit être
conservé. Des esclaves à bon marché…
Une désorganisation totale doit être créée. Le Reich
donnera au gouverneur général les moyens de mettre à exécution ce plan
diabolique.
Un bref compte rendu du début de la terreur nazie en Pologne, telle
qu’elle fut révélée par les documents allemands saisis et les dépositions aux
différents procès de Nuremberg, peut être esquissé. Ce n’était qu’un signe
avant-coureur des sinistres pratiques qui seraient par la suite infligées par
les Allemands à tous les peuples conquis. Mais, du début à la fin, ce fut pire
en Pologne que partout ailleurs. Là-bas, la barbarie nazie a atteint une
incroyable violence.
Juste avant de lancer l’attaque contre la Pologne,
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