Le Troisième Reich, T2
Hitler avait
dit à ses généraux, lors de la conférence tenue le 22 août sur l ’Obersalzberg, que certaines choses allaient se produire « qui
ne seraient pas du goût des généraux allemands », et il les avertissait de
« ne pas se mêler de ces affaires, mais de se cantonner dans leurs devoirs
militaires ». Il savait de quoi il parlait. En Pologne comme à Berlin, l’auteur
fut bientôt accablé de récits des massacres nazis, et les généraux aussi. Le 10 septembre,
alors que la campagne était en plein essor, Halder nota dans son journal un
exemple qui fut bientôt largement connu dans Berlin.
Des « durs » appartenant à un régiment d’artillerie de
S. S., ayant fait travailler 50 Juifs toute la journée à la réfection d’un pont,
les parquèrent dans une synagogue et, dit Halder, « les massacrèrent ».
Même le général Küchler, commandant la IIIe armée, qui dut
en avoir plus tard quelques remords, refusa de confirmer les légères sentences
de la cour martiale prononcées contre les meurtriers – un an de prison, – les
déclarant trop clémentes. Mais le commandant en chef de l’armée, Brauchitsch, cassa
les jugements, sous prétexte qu’ils étaient compris dans « une amnistie
générale ».
Les généraux allemands qui se considéraient comme de vrais
chrétiens trouvaient la situation embarrassante. Le 12 septembre eut lieu
une rencontre dans le train du Führer entre Keitel et l’amiral
Canaris, et ce dernier protesta contre les atrocités en Pologne. Le chef de l’O.
K. W. répondit sèchement que « le Führer a déjà pris
une décision sur cette question ». Si l’armée « ne voulait pas
participer à ces incidents, elle devrait accepter les S. S. et la Gestapo comme
rivaux » – c’est-à-dire qu’il lui faudrait accepter des commissaires S. S.
dans chaque imité militaire « pour poursuivre les exterminations ».
Je fis remarquer au général Keitel (écrit Canaris dans son
journal, produit à Nuremberg) que je savais que des exécutions massives étaient
projetées en Pologne et qu’en particulier la noblesse et le clergé devaient
être exterminés. A la longue le monde tiendrait la Wehrmacht responsable de ces
faits (36).
Himmler était trop malin pour laisser les
généraux se dégager d’une partie de la responsabilité. Le 19 septembre, Heydrich,
premier adjoint d’Himmler, rendit visite au Haut-Commandement de l’armée et fit
part au général Wagner des plans S. S. de « nettoyer les Juifs, l’intelligentzia,
le clergé et la noblesse polonais ». Informé par Wagner, Halder nota dans
son journal :
L’armée insiste pour que le « nettoyage » soit
différé jusqu’à ce qu’elle se soit retirée et que le pays ait été placé sous l’administration
civile. Début décembre.
Cette courte note dans le journal du chef du grand état-major
constitue une clé pour la compréhension de la moralité des généraux allemands. Ils
n’allaient pas s’opposer sérieusement au « nettoyage » – c’est-à-dire
à la disparition complète des Juifs, de l’intelligentzia, du clergé et de la
noblesse polonais. Ils allaient simplement demander que l’opération fût « différée »
jusqu’à ce qu’ils aient quitté la Pologne et échappé ainsi à la responsabilité.
Et Halder écrivit le lendemain dans son journal, après une longue conférence
avec Brauchitsch sur le « nettoyage » en Pologne :
Rien ne doit se produire qui pourrait fournir aux nations
étrangères l’opportunité de lancer une propagande sur de telles atrocités. Le
clergé catholique ! Impossible en ce moment.
Le lendemain 21 septembre, Heydrich fit parvenir au
Haut-Commandement de l’armée une copie de son plan initial de « nettoyage ».
En premier lieu, les Juifs devaient être parqués dans les villes (où il serait
facile de les cueillir pour les liquider). « La solution finale », déclarait-il,
demandera quelque temps pour être menée à bien et doit être tenue « strictement
secrète » ; mais aucun général qui lut le mémorandum confidentiel ne
peut avoir douté que la « solution finale » était l’extermination (37).
Dans deux ans, quand l’heure sera venue, la « solution finale »
deviendra un des plus sinistres mots-code échangés par les hauts officiels
allemands pour couvrir l’un des plus hideux parmi les crimes de guerre nazis.
Ce qui restait de la Pologne, après que la Russie eut pris sa
part
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