Le Troisième Reich, T2
la Norvège et le Danemark. Elles devaient se blâmer
elles-mêmes d’avoir été si aveugles, d’avoir refusé d’accepter en temps utile –
avant l’agression actuelle – l’aide de puissances mondiales amies.
Je crois que ce fait (dit Churchill aux Communes le 11 avril)
sera médité par d’autres pays qui peuvent demain, ou d’ici à Une semaine, ou d’ici
à un mois , se trouver victimes d’un plan d’état-major tout aussi
soigneusement élaboré pour leur destruction et leur asservissement (45). Il
pensait évidemment à la Hollande et à la Belgique, mais même dans ces pays, malgré
le mois de grâce qui leur serait accordé, personne ne se livra à pareille
méditation [52] .
De même, des enseignements militaires devaient être tirés de la
conquête-éclair des deux pays Scandinaves. Le plus significatif était l’importance
de la puissance aérienne et sa supériorité sur la puissance navale quand les
bases à terre pour bombardiers et chasseurs étaient à proximité. A peine moins
importante était une vieille leçon : la victoire va souvent à l’audacieux
et à l’imaginatif. La marine et l’aviation allemandes l’avaient été toutes deux,
et Dietl à Narvik avait démontré que l’armée allemande abondait en ressources
dont les Alliés avaient manqué.
Les conséquences militaires de l’aventure Scandinave ne
pouvaient être évaluées tout de suite, ne serait-ce que parce qu’il était
impossible de voir très loin dans l’avenir. En Norvège les pertes en hommes
furent légères des deux côtés. Les Allemands eurent 1317 tués, 2 375
disparus et 1 604 blessés, soit 5 296 pertes au total ; celles
des Norvégiens, Français et Anglais furent légèrement inférieures à 5 000.
Les Britanniques perdirent un porte-avions, un croiseur et sept destroyers ;
les Polonais et les Français un destroyer chacun.
Les pertes de la marine allemande furent comparativement plus
lourdes : dix contre-torpilleurs sur vingt, trois croiseurs sur huit, tandis
que les croiseurs lourds Scharnhorst et Gneisenau et le cuirassé
de poche Lützow étaient si sévèrement endommagés qu’ils étaient hors de
service pour plusieurs mois. Hitler n’avait pas de flotte digne de ce nom pour
les événements à venir pendant l’été. Quand arriva le temps d’envahir l’Angleterre,
et il arriva vite, cette lacune se révéla comme un insurmontable handicap.
Les conséquences possibles de la grave déficience de la marine
allemande, cependant, n’effleurèrent pas la pensée du Führer quand, au début de
mai, le Danemark et la Norvège ajoutés à présent à sa longue liste de conquêtes,
il travailla avec ses généraux impatients – car ils avaient maintenant perdu
leurs craintes de l’automne précédent – aux préparatifs de dernière heure pour
ce qu’ils étaient persuadés devoir être la plus grande de toutes les conquêtes.
21 -
VICTOIRE A L’OUEST
Peu après l’aube du beau jour printanier du 10 mai 1940, l’ambassadeur de Belgique et le ministre des Pays-Bas
à Berlin furent convoqués à la Wilhelmstrasse et informés par Ribbentrop que
les troupes allemandes pénétraient dans leurs pays pour sauvegarder leur
neutralité contre une attaque imminente des armées anglo-françaises – le même
lamentable prétexte qui avait été donné juste un mois plus tôt au Danemark et à
la Norvège. Un ultimatum formel sommait les deux gouvernements de veiller à ce
qu’aucune résistance ne fût opposée. Si elle se présentait, elle serait écrasée
par tous les moyens, et la responsabilité de l’effusion de sang serait « exclusivement
portée par les gouvernements belge et néerlandais ».
A Bruxelles et à La Haye, comme précédemment à Copenhague et à
Oslo, les envoyés allemands se rendirent aux ministères respectifs avec des
messages similaires. Assez ironiquement, le porteur de l’ultimatum à La Haye, le
comte Julius von Zech-Burkersroda, était un gendre de Bethmann-Hollweg, ce
chancelier du Kaiser qui en 1914, parlant
de la garantie par l’Allemagne de la neutralité belge, que le Reich des
Hohenzollern venait juste de violer, avait employé le terme de « chiffon
de papier ».
Au ministère des Affaires étrangères de Bruxelles, tandis que
les bombardiers allemands ronflaient dans le ciel et que l’explosion de leurs
bombes sur les terrains d’aviation voisins ébranlaient les fenêtres, Bülow-Schwante,
l’ambassadeur allemand,
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