Le Troisième Reich, T2
Dyle et de la Meuse, d’Anvers à Mézières, par Louvain, Namur et Givet. Quelques jours auparavant, les
états-majors français et anglais, au cours d’une série de rencontres secrètes
avec le Haut-Commandement belge, avaient reçu de ce dernier l’assurance qu’il
renforcerait les défenses de cette ligne et en ferait sa position essentielle.
Mais les Belges, se cramponnant toujours à une neutralité
illusoire qui fortifiait leur espoir d’éviter leur entrée en guerre, ne
voulaient pas aller plus loin. Les chefs d’état-major anglais objectèrent qu’on
n’aurait pas le temps de déployer les forces alliées dans un secteur aussi
avancé une fois que les Allemands auraient attaqué, mais, sur les instances du
général Gamelin, ils acceptèrent le « Plan D ».
A la fin de novembre, les Alliés envisagèrent en outre de lancer
la VIIe armée du général Giraud sur les côtes de la Manche, pour aider les
Hollandais au nord d’Anvers, au cas où les Pays-Bas seraient également attaqués.
Ainsi la tentative allemande de traverser rapidement la Belgique – et peut-être
la Hollande – pour tourner la ligne Maginot trouverait tout de suite en face d’elle
le C. E. B., le gros de l’armée française, les 22 divisions belges et les 10
divisions hollandaises – une force qui, numériquement du moins, était égale à
celle des Allemands.
C’est pour éviter un choc aussi important et en même temps pour
prendre au piège les armées anglaise et française qui se seraient portées si
loin en avant que le général Erich von Manstein (né Lewinski), chef d’état-major
du groupe d’armées A de Rundstedt sur le front occidental, proposa un
changement radical du Fall Gelb . Manstein était un
officier d’état-major doué et imaginatif, d’un grade relativement peu élevé ;
cependant, au cours de l’hiver, il réussit à soumettre son audacieux projet à
Hitler, malgré l’opposition initiale de Brauchitsch, Halder et
nombre d’autres généraux. Manstein proposait en substance que l’assaut
principal des Allemands fût lancé au centre, à travers les Ardennes, par une
force massive qui traverserait la Meuse au nord de Sedan, pénétrerait en pays
ouvert et, à partir d’Abbeville, foncerait vers la Manche.
Hitler, toujours attiré par les solutions hardies et même
téméraires, s’y intéressa. Rundstedt appuya le projet de toutes ses forces, non
seulement parce qu’il y croyait, mais aussi parce que ce plan attribuerait à
son groupe d’armées le rôle décisif dans l’offensive. L’animosité personnelle d’Halder
contre Manstein et certaines jalousies de métier chez quelques-uns de ses
supérieurs avaient fait relever Manstein de son poste d’état-major pour le
nommer au commandement d’un corps d’armée à la fin de janvier. Malgré cela, il
eut l’occasion, le 17 février, à Berlin, d’exposer ses vues peu orthodoxes
à Hitler en personne, au cours d’un dîner offert à un certain nombre de
généraux nouvellement promus.
D’après lui, des forces blindées lancées à travers les Ardennes
atteindraient les Alliés là où ils s’y attendaient le moins, car probablement leurs
généraux, comme la plupart des Allemands, devaient considérer cette région
accidentée et boisée comme peu propice aux chars. Une feinte de l’aile droite
allemande amènerait les armées anglaise et française à se précipiter en
désordre en Belgique. Alors, en opérant une trouée chez les Français à Sedan et
en se dirigeant à l’Ouest, le long de la rive nord de la Somme, vers la Manche,
les Allemands prendraient au piège la majorité des forces anglo-françaises
aussi bien que l’armée belge.
C’était un plan audacieux, non sans risques, comme plusieurs
généraux, dont Jodl, le firent remarquer. Mais à l’époque, Hitler, qui se
considérait comme un génie militaire, croyait vraiment que c’était sa propre
idée. Son enthousiasme pour ce plan alla donc croissant. Halder, qui tout d’abord
l’avait rejeté comme l’œuvre d’un hurluberlu, commença lui aussi à l’envisager
avec faveur ; en fait, avec l’aide de ses officiers d’état-major, il l’améliora
considérablement.
Le 24 février 1940, il était formellement adopté dans une
nouvelle directive de l’O. K. W. et les généraux reçurent l’ordre de redéployer
leurs troupes le 7 mars. Incidemment, le plan de la conquête des Pays-Bas,
qui avait été retiré de Fall Gelb dans une
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