Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
Vom Netzwerk:
Nissac.
    Aussi préféra-t-il, non sans noblesse et quoi
qu’il lui en coûtât, ne point affliger la jeune femme d’une présence qui ne la
distrayait aucunement.
    — Madame, en son cœur pur où le calcul ne
siégea jamais, votre frère Louis me porte sentiment de haute reconnaissance que
je ne mérite point, n’ayant agi que de la manière dont tout homme devrait se
comporter, et davantage encore s’il est gentilhomme. En son amical aveuglement,
Louis n’en a point la conscience mais vous, vous le savez sans doute comme je
le sais moi-même. Aussi, convenons par artifice que nous avons passé un moment
ensemble et que je suis reparti. Ainsi, je vous libérerai d’une présence que je
sais en tout point ennuyeuse, étant depuis toujours un homme de solitude qui n’a
point l’art de la conversation.
    « Je le hais !… songea-t-elle. Pour
son élégance, sa gentillesse, sa prévenance qui me forcent à l’aimer alors que
mon devoir est auprès de Louis ! »
    Elle répondit agressivement :
    — Ah çà, monsieur l’amiral, feriez-vous
les questions et les réponses comme vous le faites sans doute sur votre navire
où vous êtes seul maître après Dieu ?
    — Ayez la grâce de m’en excuser, madame, je
ne voulais point faire montre d’aussi peu de manières.
    Tous deux étaient malheureux.
    Nissac, qui se voyait avec le regard qu’il
prêtait à Élisabeth, avait bien piètre opinion de lui-même quand il n’avait
jamais souhaité blesser la jeune femme.
    Élisabeth, qui se savait odieusement injuste
et entièrement responsable de cette situation désagréable, se trouvait en
grande tristesse. Elle ne s’abusait pas, sachant bien que le comte de Nissac
aurait pu être le grand amour de sa vie mais chez les La Tomlaye, rien, jamais,
durant les siècles, n’était passé avant le devoir. Or Élisabeth considérait que
Louis serait sa vie durant un enfant, et qu’elle devait veiller sur lui, y sacrifiant
sa propre existence.
    Nissac reprit :
    — Madame, je crois entendre ce que vous
ne dites point. Faisons ainsi que je vous parle encore quelque temps car j’ai
vu la silhouette de votre frère derrière une fenêtre de l’étage, et
laissons-lui à penser que nous avons bonne conversation et agréable entente car
je m’en voudrais de lui causer quelque chagrin qui alimenterait aussitôt le
vôtre.
    La jeune femme fit taire la grande estime qui
lui venait vis-à-vis du comte de Nissac, comme elle faisait taire son trouble
et, conservant sa voix froide et son air distant, elle répondit :
    — Soit, monsieur. Eh
bien faisons semblant !… Mais de quoi parlerons-nous ?…
De navigation ?
    Nissac haussa les épaules.
    — Comme il vous plaira… Je sillonne en
tous les sens la mer où j’ai sauvé votre frère, depuis le Pont-Euxin et l’Hellespont,
au levant, jusqu’au ponant, Gibraltar et sa garde espagnole. Jeune officier, j’ai
navigué sur autre océan, voyant Thulé, les Indes occidentales et la Nouvelle
France qu’on appelle aussi Canada depuis qu’on y créa des établissements. Êtes-vous
satisfaite, madame ?
    Ces noms étranges, dont
certains qu’elle ne connaissait point, firent rêver la jeune femme qui n’avait
jamais quitté sa Provence natale, ne poussant guère plus avant qu’Aix. « Pont-Euxin »,
« Hellespont », « Indes occidentales », « Nouvelle
France » : Nissac, qu’elle admirait, s’auréolait du mystère charmeur
de ces lointaines contrées.
    Elle sentit posé sur elle le regard du
vice-amiral et s’ébroua en disant avec toujours davantage de rudesse qu’elle n’eût
souhaitée :
    — Sans doute. Mais pourquoi ces combats
sur mer, nous ne sommes point en guerre, me semble-t-il.
    Il retint un soupir. L’idée d’ennuyer
Élisabeth lui était désagréable, et plus encore de l’ennuyer avec des choses
lui tenant à cœur, car qu’est-ce que sa vie ?… Son navire Le Dragon
Vert et son équipage qui remplaçait la famille qu’il avait perdue très
jeune. Et son château, près de Saint-Vaast-La-Hougue et Barfleur noyé dans les
brumes et sur lequel, depuis des siècles, les vagues venaient se briser, fouettant
les remparts lors des hautes marées.
    Il regarda la lune et reprit d’une voix où
perçait la tristesse de qui sait par avance qu’il va ennuyer en parlant de ce
qui lui est cher :
    — Madame, en mer, c’est toujours la
guerre. Ainsi, depuis la bataille de Lépante où la Grande Armada de Philippe II
écrasa la

Weitere Kostenlose Bücher