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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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qu’il détestait venait encore de triompher.
    Philippe III d’Espagne
allait à pied, songeur, en son grand palais de l’Escurial. Grand cloître, jardins,
bassins, rotonde de la fontaine, il ne voyait rien que ce messager qui arrivait,
l’air sombre et grave, et en lequel il reconnut un de ses conseillers aux
affaires maritimes.
    Philippe III qui régnait sur le plus
puissant empire qui fût au monde, si vaste que le soleil ne se couchait jamais
dessus, devina que la nouvelle était mauvaise. Ainsi, on peut gouverner
puissant royaume, soumettre des peuples, répandre la terreur en levant un
sourcil… et ne point venir à bout, quels que soient les moyens qu’on y mette, d’un
galion aux couleurs de France.
    Les Français !… Tout viendrait d’eux, tôt
ou tard, la chute, ou plutôt le long engourdissement qui ferait du premier pays
du monde puissance qui se refermerait sur elle-même et péricliterait. Telles
étaient les choses, et Philippe III aurait pu en sourire, car tout l’or
des Nouvelles Indes [24] ne
pouvait rien pour permettre d’en finir avec un simple vaisseau de guerre.
    — C’est un échec ?… demanda le roi d’Espagne
d’une voix morne.
    — Ils ont en effet échoué, Majesté.
    — Où est le Français ?
    — Il a doublé Gibraltar, franchi notre
barrage en combattant et cingle vers la France. Sans doute Toulon, son port d’attache.
    — Nos pertes ?
    — Deux vaisseaux coulés, huit ayant subi
grands dommages, Majesté.
    — Le Français a-t-il été touché ?
    — Assez gravement, Majesté.
    Philippe III sentit qu’on ne lui disait
point toute l’entière vérité et la chose l’irrita.
    — Quoi, que n’osez-vous me dire ?… Et
d’abord, n’étaient-ils pas quinze lancés à l’attaque ?
    Le conseiller aux affaires maritimes, fort mal
à l’aise, baissa la tête.
    — Cinq n’ont point réagi, Majesté.
    — Que voulez-vous dire ?
    — Ils furent surpris, Votre Majesté. Ils
poursuivaient Le Dragon Vert mal en point et gagnaient du terrain
lorsque…
    Il chercha ses mots n’imaginant point combien,
ce faisant, il irritait davantage le roi qui dut prendre sur lui pour ne point
hausser la voix.
    — Parlez !…
    — Quoique touché, Le Dragon Vert fit demi-tour et les chargea brusquement en telle détermination, agressivité et
violence déchaînée qu’ils prirent peur, s’écartèrent et, ayant perdu trop de
temps, n’entreprirent point la poursuite.
    — Que pensez-vous de cela ?
    — La chose est vieille comme la guerre, Sire.
Tous pensaient qu’en cas de combat le Français serait coulé mais qu’il
entraînerait en sa perte bâtiments de Votre Majesté et nul ne voulait être de
ceux-là.
    Le roi hocha la tête puis :
    — M’avez-vous cette fois tout dit ?
    Le conseiller aux affaires maritimes regarda
le roi. Il l’avait vu enfant, et le savait méfiant. Tout serait donc vérifié et
il n’eût point été habile de lui mentir, ne serait-ce que par omission. Aussi
ajouta-t-il :
    — Détail humiliant pour notre flotte, Majesté.
Ayant fait reculer nos vaisseaux, le Français, pourtant mal en point, est passé
devant eux en insolente et provocante parade, tirant même une salve de victoire.
C’est… C’est le détail qui me blesse le plus profondément, Sire.
    Le roi d’Espagne se tut, l’esprit occupé par l’attitude
du commandant du Dragon Vert. Attaquer alors qu’on est faible, paraître
alors qu’on n’est plus rien, oser cette parade de victoire alors qu’on se
savait par avance défait en cas d’affrontement, c’est par l’intelligence que l’amiral
de Nissac avait gagné et contre cela, il n’est rien à faire.
    Si ce n’est admirer, peut-être, lorsque, tel
que Philippe III en le secret de son cœur, on fait passer la beauté en l’attitude
avant les intérêts partisans.
    — Qu’on traduise immédiatement ces cinq
capitaines devant nos tribunaux au motif de lâcheté devant l’ennemi. Vous savez,
j’espère, ce qu’à mes yeux entraîne ce genre de faute.
    Le conseiller aux affaires maritimes prit
mentalement note que le roi voulait un verdict de mort.
    Mais Philippe III n’en avait point achevé,
ajoutant :
    — Ce Dragon Vert n’existe pas. Puisqu’on
ne le peut couler, qu’on l’évite, on évitera ainsi le ridicule. Nous ne sommes
pas, pas encore, en guerre contre la France et ce navire finira bien par payer.
    Il hésita, et à mi-voix :
    — Il payera. Dans cinq ans… Dans

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