Le Voleur de vent
déguisé en loup et qui vous ferait rire s’il s’était travesti plutôt en
tomate.
Ainsi fut-il fait, et la chose se révéla
habile, marins et soldats retenant surtout qu’un loup-garou est éminemment
mortel.
On reprit la marche.
On entendit de nouveaux hurlements de loups
mais à l’initiative heureuse de Sousseyrac, on y répondit par des grognements
de cochons, ce qui provoqua l’hilarité sans cependant désarmer la vigilance.
Les loups-garous, profitant d’un renfoncement,
tentèrent de s’emparer d’un soldat mais celui-ci, après s’être dégagé, eut le
temps de tirer au jugé.
On entendit une plainte et, découvrant une
traînée de sang frais, l’amiral ordonna qu’on suive cette trace à vingt, sous
ses ordres, étant entendu qu’Isabelle l’accompagnerait.
Pour la capture du moine, dont il ne doutait
point, il confia l’autre partie de sa troupe à Sousseyrac, Valenty, Fey des
Étangs et le seigneur Yasatsuna.
— La victoire semble choisir son camp !…
souffla Isabelle.
L’amiral lui sourit.
— Du jour où vous m’avez regardé, madame
mon amour, le bonheur avait lui aussi choisi le sien.
Elle lui prit la main.
Il se hâtait de réunir les plus
beaux diamants et pierres précieuses en un petit sac de cuir qu'il suspendit
autour de son cou.
Il fallait fuir en grande urgence, quitte à abandonner
choses de prix dans la précipitation.
L'ambrosien se trouvait comme assommé par la rapidité de la
défaite : en moins d'une heure, le château des chimères qu'il tenait pour
imprenable était tombé et sa garde de loups-garous, qu’il pensait
invincible en ces lieux, se trouvait tenue à distance, tuée ou en fuite.
Il se reprocha de n’avoir pas davantage
concentré ses efforts sur Nissac qu’il savait dangereux depuis le premier
instant !…
La peur lui fit tomber des mains collier de
diamants et émeraudes qui se brisa sur le sol, les pierres roulant aux quatre
coins de la pièce.
La sueur inondait son visage mutilé. Il allait
devenir gibier à son tour !… Il avait assassiné le roi de France, lui, lui
plus que tout autre, comptait en la personne de la régente femme qui lui serait
toujours dévouée, aurait bientôt amis ministres et se trouvait cependant réduit
à fuir Nissac et ses soudards qui sans un mot collaient leurs adversaires au
mur !…
— Ils ne m’auront pas !… hurla le
moine.
— Je jurerai du contraire !… répondit
Sousseyrac en entrant dans la pièce, sabre à la main, le regard un instant
distrait par la peau du cardinal de Bellany clouée au mur…
100
L’amiral de Nissac fit déployer ses hommes de
manière à former un large éventail.
À ses côtés marchaient la comtesse et « Le
Finlandais », car nul autre tel que lui en l’équipage ne savait prendre la
piste d’autant que des traces de sang, de loin en loin, simplifiaient sa tâche.
Nissac n’aimait point ce rôle, raison pour
laquelle, sur ses terres, il n’allait guère à la chasse sauf en le cas qu’un
sanglier ravageait les cultures de pauvres paysans. Et encore, en cette
circonstance laissait-il l’animal abattu aux plus démunis de ses gens qui en
faisaient exceptionnel festin.
Une fois, cependant, il n’avait point tiré. Ayant
longuement poursuivi sanglier qui tentait bien en vain de le fatiguer en
décrivant de larges cercles, il avait fini par rejoindre l’animal exténué en
une jolie clairière. Il avait même déjà levé sa lance lorsque de petits
marcassins, arrivant en manière pataude, s’étaient pressés autour de leur mère.
Échange de regard entre la bête et le comte
sembla interminable à ce dernier.
Finalement, il baissa son arme et s’éloigna
tête basse, s’inquiétant de lui-même. Quoi, il tuait des hommes mais sa
résolution s’effondrait devant un animal ?… Il est vrai que ces hommes-là
violaient et tuaient tout à la fois par plaisir et par métier, quand l’animal
nourrissait encore ses petits.
Et les premiers, par l’existence d’une
conscience donnée à chaque homme, savaient qu’ils faisaient le mal quand un
sanglier qui, au clair de lune, en une nuit d’été parfumée et enchanteresse, se
roule dans les champs ne fait que se conformer à l’état en lequel l’a placé, par
sa condition même, la nature. Mais pourquoi, s’était demandé Nissac, les choses
me sont-elles toujours si difficiles, compliquées et douloureuses quand les
autres, tous les autres, avancent en la vie sans se poser de
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