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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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m’enferme seul avec lui !…
    Une petite voix curieuse, pointue, irritante, que
d’aucuns trouvèrent fort méchante…

11
    Avantageusement campé mains sur les hanches en
la dunette du premier galion, le capitaine barbaresque Johan Van Dick observa
ce curieux bâtiment royal qui, à la surprise générale, et en certains cas la
consternation, venait de hisser le pavillon rouge : «  Aucun
survivant ».
    Puis il remarqua avec quelle foudroyante
habileté le commandant du vaisseau royal parvenait à se placer de sorte qu’il
attaque avec le soleil dans le dos et un vent favorable.
    Van Dick, pris d’une appréhension soudaine, murmura :
    — Le Voleur de Vent !
    Ainsi surnommait-on le vice-amiral Thomas de
Pomonne, comte de Nissac, en les mers du Levant et ce nom, colporté de tavernes
d’Espagne jusqu’au nouveau monde en passant par les côtes de l’Afrique, avait
grande célébrité. Espérant se tromper, le renégat Van Dick chercha des yeux la
proue du galion royal puis, y découvrant la tête effrayante d’un dragon vert de
bois sculpté, il balaya ses derniers doutes.
    Eh bien soit, si tel le voulait le Voleur de
Vent combat il y aurait et Van Dick n’avait pas souvenir que jamais encore en l’histoire
maritime un seul galion en eût vaincu deux. Il pensait ainsi et s’en trouvait d’autant
plus convaincu que sur l’autre galion pirate, le capitaine Jean Bohrange, de
Dunkerque, n’avait jamais connu la défaite si bien qu’on le tenait pour un
grand capitaine du temps.
    Van Dick, qui sentait la possible victoire, murmura
entre ses dents :
    — Nous allons noyer ce chien de Nissac !…
Et, pour autant qu’il y ait abordage, il découvrira arme nouvelle dont il n’a
point l’entendement.
    Cette « arme nouvelle », utilisée à
plusieurs reprises depuis la mer de Chine, semblait invincible et valait
presque à elle seule le reste de l’équipage de renégats. En outre, à considérer
qu’il fût attaqué le premier, Van Dick savait que son ami le capitaine Bohrange
fondrait aussitôt sur les arrières de Nissac. Oui, décidément, le Voleur de
Vent était fol de courir si promptement à une mort certaine.
    Van Dick tendit impatiemment la main et un
homme auquel il manquait la mâchoire inférieure, arrachée par un boulet
espagnol, présenta un cruchon d’alcool à son capitaine. Celui-ci but une longue
rasade puis, considérant l’équipage qui attendait quelques mots, il lança d’une
voix forte :
    — Nous sommes à deux jours de route de
notre port d’attache où nous serons fêtés en vainqueurs. Les femmes se
jetteront à vos pieds et vous pourrez même vous acheter pucelle. Nous sommes
partis voici trois années sur mauvais bateaux hollandais et revenons sur deux
fiers galions conquis aux Espagnols. Les cales de nos navires débordent d’or et
de pierreries, et nous ramenons captive jolie duchesse andalouse dont le père
est ministre du roi d’Espagne qui paiera très forte rançon. En trois années de
campagne en mer, nous avons gagné davantage qu’en deux mille ans de travail de
la terre. Entre nous et la vie dont vous rêvez, il n’y a que ce galion royal
français commandé par un amiral hautain, orgueilleux et taciturne !
    Il marqua un temps et reprit d’une voix plus
forte :
    — Le galion royal du Voleur de Vent qui a
tué tant des nôtres et qui nous veut faire mauvais parti !… À nous tous, culbutons
ce Dragon Vert, renvoyons-le aux enfers d’où il est venu et que Nissac
soit enfin pendu à la grand-vergue !…
    — À mort !… reprirent les hommes en
grand enthousiasme.
    Satisfait, Van Dick arracha le cruchon d’alcool
des mains de l’homme à la bouche mutilée. Puis il se demanda pourquoi les
hommes du Dragon Vert précipitaient bas sur chaque bord huit tas de
cordages qui embarrassaient le pont supérieur, le gaillard d’avant et celui d’arrière.
    Lorsqu’il comprit, il pâlit.
    Nissac observait les
hommes s’affairant autour des seize canons supplémentaires répartis sur chaque
bord. En ne comptant point les seize couleuvrines, les douze demi-couleuvrines
et les huit canons légers appelés « sacres » et installés sur l’embelle,
il avait fait passer son armement de trente-six canons en dotation sur les
galions les mieux armés à cinquante-deux. Jamais, en aucun lieu ni aucun moment
de l’histoire, bâtiment n’avait possédé telle puissance de feu.
    Nissac regrettait qu’en l’Amirauté, il ne fût
point envisagé

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