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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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paraître. Enfin, désignant un point qui semblait
imaginaire en la ligne d’horizon, il répondit :
    — Je n’égare point mes ennemis, madame, car
la chose serait du plus mauvais effet. Le galion pirate est là, en l’endroit
que je viens de vous désigner.
    — Il n’y a rien, comte, si ce n’est le
ciel qui rejoint la mer !… Ah çà vous, monsieur des Étangs, voyez-vous
quelque chose ?
    Martin Fey des Étangs sourit et sa complicité
avec ceux du Dragon Vert fut plus forte que sa passion naissante pour la
ravissante duchesse :
    — Madame la duchesse, vous ne voyez rien
et moi pas davantage, car aucun œil humain ne peut distinguer ce qui n’est
point visible. Mais si monsieur l’amiral dit que le navire s’y trouve, c’est qu’il
y est, exactement où il fut indiqué.
    Plusieurs minutes d’un pesant silence s’écoulèrent,
nul n’osant ouvrir la bouche en l’espace étroit de la dunette. Pourtant, d’instant
en instant grandissait la joie de la duchesse à l’idée qu’il arrivait que le
comte de Nissac se puisse tromper, et qu’elle assistait à l’une de ces erreurs
qu’elle supposait rarissimes.
    Brusquement, alors que le bruit de soie
froissée de l’éventail de la duchesse agaçait les marins, la voix de la vigie
déchira le silence :
    — Navire droit devant !
    La duchesse rougit, Fey des Étangs regarda ses
bottes, Paray des Ormeaux observa le ciel d’un air pénétré, le tireur d’élite
ne put réprimer un discret sourire.
    Seul le vice-amiral semblait avoir totalement
oublié l’incident, ou agit ainsi par galanterie, ordonnant d’une voix
nonchalante :
    — Monsieur des Ormeaux, faites détacher
les cordages retenant le vaisseau capturé. Que monsieur de Sousseyrac prenne
ses dispositions pour l’abordage.
    « Il triomphe en grande modestie, et c’est
plus terrible encore ! » songea la duchesse qui fut cependant touchée
par la délicatesse de Nissac qui déjà, sobrement, donnait d’autres ordres. Bientôt,
soulagé du fardeau que constituait le galion de feu le capitaine Bohrange, Le
Dragon Vert, léger sur la vague, prit le vent en se jouant et se plaça de
sorte que le soleil fût derrière lui.
    La duchesse entendit un cliquetis d’armes
venant du pont et distingua le géant haut d’une toise, ce baron appelé
Sousseyrac, qui alignait en une ligne parfaite sa première vague d’assaut. La
jeune femme frissonna : certains hommes étaient armés de haches.
    Elle se souvint d’une phrase de Fey des Étangs
à propos de Nissac : « Il fait avec commisération un cruel devoir »
et d’une autre encore : « Pour lui, être un homme libre, c’est ne
jamais subir. » Mais en ce tableau, ces phrases perdaient de leur force.
    Elle remarqua les regards des fantassins et
ceux des hommes de manœuvre qui se tournaient vers Nissac. La confiance et l’admiration
qu’ils portaient à cet amiral froid et parfois nonchalant eussent fait des envieux
chez les plus puissants monarques.
    Indifférent, ou plus certainement n’en ayant
pas même conscience, le vice-amiral ôta son pourpoint et sa chemise. Puis il en
passa une autre, d’un blanc de grande pureté, que lui tendait un mousse. Comme
la duchesse interrogeait Fey des Étangs du regard, celui-ci murmura à l’oreille
de la jeune femme :
    — Sauf lorsqu’on se trouve nous-mêmes
surpris et devons réagir vite, c’est ainsi avant chaque abordage. Monsieur l’amiral,
s’il doit passer de vie à trépas, veut mourir avec chemise immaculée.
    La curiosité de la chose charma la duchesse.
    Le tout jeune mousse, à peine âgé de onze ans,
apporta au comte de Nissac deux pistolets chargés. Le comte, mais aussi tous
les occupants de la dunette, ne furent point sans remarquer comme les mains du
pauvre petit garçon tremblaient tandis que sur le pont du Dragon Vert commençaient à rouler les tambours. Bientôt, les fifres lançaient leurs trilles
tellement inattendus par leur joyeuseté, en la gravité de l’heure et en
contraste des tambours, qu’ils semblaient terrifiants à ceux qui ne
connaissaient point cet étonnant artifice imaginé par monsieur de Nissac pour
égarer l’adversaire qui ne savait plus s’il se trouvait en une fête ou au
combat, c’est-à-dire en l’antichambre de la mort.
    Le vice-amiral prit en ses mains celles du
jeune garçon et lui parla d’une voix douce, si bas que seule la duchesse, qui
avait l’oreille exceptionnellement fine, distingua ses

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